Pas une semaine ne passe sans qu’un sondage ne soit publié dans un média. À six mois de l'élection présidentielle, ces enquêtes sur les intentions de vote ont pour objectif de désigner tel ou tel candidat comme favori. Leurs résultats sont parfois vantés, souvent critiqués. Mais à quoi servent-ils vraiment ? Et avec quelles pincettes faut-il les prendre ?
Les sondages fleurissent à l'approche de l'élection présidentielle pour donner les intentions de vote pour tel ou tel candidat. Parfois, certains ne sont pas encore officiellement candidats, comme le polémiste Eric Zemmour ou l’actuel président Emmanuel Macron.
Mais alors pourquoi est-il si important de sonder les futurs électeurs ? "Il y a un enjeu de compréhension de ce que pensent les Français, pourquoi ils votent comme ça, parce qu’il n’y a pas vraiment d’autres outils qui permettent de refléter ça de manière fidèle", explique Guillaume Caline, responsable des études politiques et d’opinion chez Kantar Public, une entreprise chargée de réaliser des sondages. "Les sondages d’intentions de vote ont aussi une fonction dans la campagne notamment pour les médias pour alimenter les commentaires sur la campagne, mettre aussi un peu de dramaturgie, de récit de campagne", poursuit-il.
Les sondages bénéficient d’abord aux candidats eux-mêmes. Par exemple, le parti des Républicains, à droite, a commandé un sondage à l’institut Ifop pour trouver le meilleur candidat à l’élection présidentielle. C’est Xavier Bertrand qui en était sorti favori. Il avait quitté le parti. Il a finalement repris sa carte de membre. Ce sera à l’issue d’une désignation interne, et non pas d’une primaire, que l’on connaîtra celui qui portera les couleurs du parti à l’élection.
Pour les politiques, cet outil du sondage tourne parfois à l’obsession. "Les acteurs politiques ont un rapport absolument obsessionnel, y compris ceux qui nient être influencés par les sondages. Ils peuvent être très critiques lorsque ceux-ci ne leur sont pas favorables mais dès qu’ils ont des bons sondages, ils s’en servent, c’est une évidence absolue", affirme Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Les sondages peuvent notamment permettre aux candidats d’emprunter de l’argent pour leur campagne. Les banques regardent si un candidat est crédité d’au moins 5 % des intentions de vote, un chiffre à partir duquel les frais de campagne sont remboursés par l’État.
Du côté des électeurs, il est par contre plus difficile de connaître les conséquences des sondages sur leur vote. Certaines études s’y sont penchées mais il n’existe pas de rapport de cause à effet très précis. Toutefois, ils peuvent permettre de décider certains électeurs, selon Jean-Daniel Lévy. "Lorsqu’on est dans une situation où globalement il y a une hésitation très marquée de la part des Français, c’est lié à la difficulté que peuvent avoir les responsables politiques à convaincre. Dans ce contexte, les sondages jouent un rôle très important, ça permet d’avoir pour les citoyens un élément qui leur permette de réfléchir de manière différente [...] et d’essayer de voir ce que peut être le rapport de force de la part des uns et des autres", analyse le directeur délégué de l’institut de sondage Harris Interactive France.
S’ils ont une place prégnante, il ne faut pas réduire une campagne électorale aux seuls sondages. Jean-Daniel Lévy précise bien que les sondages sont des photographies à l’instant T et non des prédictions. Il faut les prendre avec des pincettes puisque parfois, et c’est ce qu’on constate en ce moment, certaines personnalités politiques sont testées dans les sondages alors qu’elles ne sont même pas officiellement candidates. On peut aussi s’interroger sur la temporalité de la publication de ces enquêtes, six mois avant l’élection présidentielle. "Sonder un second tour alors même qu’on ne sait pas qui sera au premier tour, je pense que c’est extrêmement problématique d’un point de vue démocratique, estime Loïc Blondiaux. Il faut être vigilant sur la manière dont les enquêtes formulent la question parce qu’elle a beaucoup d’influence sur la distribution des réponses."
Bien sûr, les instituts de sondages ne prétendent pas avoir de boule de cristal. Ils sondent un échantillon de personnes, via internet, qui doit être représentatif de la population au niveau de l’âge, du sexe, des différentes catégories socio-professionnelles. Ils doivent l’indiquer au moment de la publication. Mais aussi la marge d’erreur car les sondages peuvent se tromper. Une situation déjà observée dans plusieurs élections.
Leur fiabilité est passée au crible par la commission des sondages, un organisme qui fixe des règles et s’assure que les instituts de sondage les respectent. Elle peut aller jusqu’à saisir le procureur de la République, ce qui est très rare. Mais il arrive qu’elle prononce des mises au point. "Cela consiste à dire ‘la commission s’est réunie, elle estime que tel sondage n’a pas été réalisé conformément aux règles de l’art et nous invitons le public à ne pas y accorder d’importance’. Ça a l’air d’être une sanction purement morale. Je pense que c’est très important pour les instituts de sondage dont la réputation se fait notamment à travers les sondages électoraux. Une mauvaise note, c’est très mauvais pour eux", précise Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages.
Cette administration fonctionne toutefois avec assez peu de moyens. Elle est critiquée pour être trop tolérante mais Marie-Eve Aubin répond : "Quand vous avez des enfants, vous les punissez s’ils font des bêtises mais s’ils n’en font pas, vous n'avez pas de raisons de les punir".
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