"C’est une épreuve pour la victime d’un pédophile de prendre la parole et de raconter ce qu’elle a enduré, de décrire les traumatismes qui persistent encore des années après, écrit le pape François dans sa préface au livre de Daniel Pittet. C’est pourquoi le témoignage de Daniel Pittet est nécessaire, précieux et courageux."
Aujourd'hui marié, père de famille, Daniel Pittet a été violé par un prêtre durant quatre ans. Il raconte son parcours dans un ouvrage, "Mon Père, je vous pardonne - Survivre à une enfance brisée" (éd. Philippe Rey), à paraître le 16 février 2017. Soit 44 ans après faits et 17 ans après sa première dénonciation. "J'ai pardonné", dit-il. Daniel Pittet a aussi fait le choix de rester fidèle à l'Église, notamment grâce à l'amitié et au soutien de nombreux religieux. Le jour où il a renconté le pape François fut "l'un des plus grands moments de [sa] vie".
"Ce n'est pas que je vais mieux mais c'est une décision que j'ai prise et qui sera à vie." Il s'en souvient c'était un 24 décembre, veille de Noël. Daniel Pittet a fait un choix aussi rapide que décisif. "Ou je garde la foi ou je la jette." Et c'est en souvenir de sa grand-mère, de sa mère, "et de tous ces religieux qui [l]'ont aidé" qu'il fait le choix de rester fidèle à l'Église et à sa foi. Aujourd'hui, Daniel Pittet parle de "guérison inachevée". Mais il en est persuadé, sa publication va aider ceux qui ont été victimes de pédophilie.
Il a neuf ans quand il devient servant de messe à la cathédrale de Fribourg. C'est alors "un très grand honneur" pour sa mère et sa grand-mère qui l'élèvent, toutes deux très catholiques. Son malheur aura été de croiser la route du prêtre capucin Joël Allaz. Diagnostiqué plus tard pédophile pervers, celui-ci avait repéré la fragilité du petit Daniel, enfant malingre issu d'une famille relativement pauvre et fragilisée par la séparation des parents. "Il avait su qu'il pouvait faire ce qu'il voulait avec moi."
"Il avait dit de ne pas le dire ; j'ai jamais osé le dire." De 1968 à 1972, durant quatre ans, une effroyable souffrance s'empare de Daniel Pittet, accompagnée d'une forme de sidération qui l'empêche de dire non. C'est grâce à sa tante, supérieure générale d'une communauté qu'il trouve le courage, en 1972, de dire au prêtre qu'il n'irait plus le voir. Dès lors "c'est fini, dit-il, j'enterre tout." Mais il conserve une peur de la sexualité. Et en garde des séquelles psychiques, "on m'a volé mon enfance", écrit-il. Trois personnes, des amis, à trois reprises, lui ont permis de ne pas mettre fin à ses jours.
"Comment un prêtre, ordonné au service du Christ et de son Église, peut-il en arriver à causer autant de malheur? Comment, alors qu’il est consacré pour amener un enfant à Dieu, peut-il le dévorer dans ce que j’ai appelé un «sacrifice diabolique», qui détruit à la fois sa proie et la vie de l’Église? Certaines victimes sont allées jusqu’au suicide. Ces morts pèsent sur mon cœur et sur ma conscience, et sur celle de toute l’Église. À leurs familles j’offre mes sentiments d’amour et de douleur et, humblement, je demande pardon.
Je remercie Daniel, car des témoignages comme le sien font sauter la chape de plomb qui étouffait les scandales et les souffrances, ils font la lumière sur une terrible obscurité dans la vie de l’Église. Ils ouvrent la voie à une juste réparation et à la grâce de la réconciliation, et ils aident aussi les pédophiles à prendre conscience de l’impact terrible de leurs actes.
Je prie pour Daniel et pour tous ceux qui, comme lui, ont été blessés dans leur innocence. Que Dieu les relève et les guérisse, qu’Il nous donne à tous Son pardon et Sa miséricorde."
Pape François, 6 décembre 2016
*avec l'autorisation de Philippe Rey, éditeur
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