France
Dix-sept nouveaux témoignages d'agressions sexuelles de la part de l'abbé Pierre entre les années 1950 et 2000 ont été révélés le 6 septembre dernier, soit 24 au total depuis le mois de juillet. Face à ces révélations, Eric de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France (CEF) a souhaité s'exprimer sur RCF et Radio Notre-Dame pour tenter de faire la lumière sur ces 67 années de silence. Il affirme que "certains évêques étaient informés" et souhaite exceptionnellement ouvrir les archives de l'Église de France afin de les mettre à disposition des chercheurs et en particulier de "la commission d'enquête d'Emmaüs".
Les évêques étaient-ils au courant des agissements de l'abbé Pierre ? Comment a-t-il pu agir en toute impunité pendant toutes ces années ? Pour faire la lumière sur ces crimes, la CEF (Conférence des évêque de France) se dit disponible pour mettre ses archives et les moyens nécessaires à disposition de la Justice.
L'abbé Pierre, figure préférée des Français dans les années 2000, n’a jamais été inquiété de son vivant par les accusations qui sont aujourd'hui dévoilées. Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la CEF, prend la parole sur RCF et Radio Notre Dame, estimant qu'il est de son devoir de clarifier la position des évêques de France sur ce qu'ils savaient. "On découvre qu'en 1955, l'abbé Pierre a eu aux États-Unis un comportement dangereux. Qui savait quoi ? Je suis incapable de le dire. Certains évêques étaient informés, c'est certain. Il faudra une enquête historique." Les révélations de France Info sur la correspondance de l’abbé ont montré que l’Église avait pris certaines mesures, "bien que celles-ci nous paraissent aujourd'hui insuffisantes."
On découvre qu'en 1955, l'abbé Pierre a eu un comportement dangereux. Qui savait quoi ? Je suis incapable de le dire. Certains évêques étaient informés, c'est certain. Il faudra une enquête historique.
En ce qui le concerne, Mgr Éric de Moulins-Beaufort affirme qu'il ignorait tout des accusations à l'encontre de l'abbé Pierre avant les révélations du 17 juillet dernier. "Je savais qu'il avait manqué à son vœu de chasteté à la fin de sa vie, comme il l’avait déclaré. Mais personne n’aurait imaginé que cela pouvait être par la violence et la brutalité."
Les victimes n'ont pas pu s'exprimer à l'époque, ce qui interroge sur le climat au sein de l’Église et de la société à ce moment-là. "Ce qui est impressionnant, c'est que des femmes n'ont pas pu parler à cette époque et ce que nous pouvons constater c'est qu'aujourd'hui, il est enfin possible de parler" précise l'archevêque de Reims.
Ce qui est impressionnant, c'est que des femmes n'ont pas pu parler à cette époque et ce que nous pouvons constater c'est qu'aujourd'hui, il est enfin possible de parler.
Pour le président de la CEF, l'Église n'a pas "rien fait" dans les années 50. "Elle a fait, en réalité, pas mal de choses dans le contexte de l'époque. Aujourd'hui, ça nous parait absolument insuffisant, mais dans le contexte de l'époque, ce n'était pas si mal." En 1957, Edmond Michelet, alors ministre de l'Intérieur, a souhaité décorer l'abbé Pierre pour son action social. Le cardinal Feltin, archevêque de Paris, s'y opposa fermement dans une lettre au ministre en qualifiant même l'abbé Pierre de "malade".
Pour Mgr de Moulins-Beaufort, on ne peut donc pas dire que "l'Église n'a pas signalé et empêché une certaine starisation de l'abbé Pierre". Pour autant, il ajoute que la "faiblesse" a été que ces signalements sont restés "relativement confidentiels".
L’abbé Pierre était rattaché au diocèse de Grenoble dans les années 50, même s'il n’a jamais véritablement vécu dans un "cadre clérical". Les archives de l'Église de France, situées à Issy-les-Moulineaux, ne permettent pas de savoir si l’évêque de Grenoble était informé et a pris des mesures, précise Mgr Éric de Moulins-Beaufort.
Malgré quelques signalements, aucunes mesures n'ont été prises contre l'abbé Pierre de son vivant. "La mémoire se perd avec le temps. Il y a des choses qu’on finit par oublier", explique Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Il l’assure : "Nous travaillons pour qu’un tel comportement ne puisse plus se reproduire."
La Conférence des évêques a déclaré comprendre la décision de la Fondation de changer de nom et de fermer le lieu de mémoire dédié à l'abbé, à Esteville en Normandie. Pour Mgr Éric de Moulins-Beaufort, "il appartient aux associations de prendre leurs responsabilités et de réfléchir à la manière dont elles doivent accompagner les victimes."
Alors qu’elles auraient normalement pu être consultées uniquement 75 ans après la mort de l’abbé Pierre, les archives de l'Église catholique vont être exceptionnellement ouvertes, indique Eric de Moulins-Beaufort. Le président de la CEF encourage également à consulter les archives d'Emmaüs.
L'Église doit également faire sa part et continuer son travail afin de libérer la parole et faire entendre la voix des victimes. "Nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs qui permettent à des personnes qui ont été agressées de parler. Ce qui n'était pas possible en 1956,1957,1958 l'est aujourd'hui et c'est cela que nous voulons poursuivre" s'engage le président de la Conférence des évêques de France.
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