L’Empire du Milieu contre-attaque : la Chine dans le monde, avec Jérôme Clément

Une invitation officielle à la cérémonie d’investiture du Président Trump a été envoyée à la Chine. Le vice-président chinois Han Zheng s’est rendu à Washington pour assister au premier discours du 47ème président des Etats-Unis. Un premier dégel des relations sino-américaines éphémère. La sortie d’un nouveau modèle chinois d’IA générative moins cher que son concurrent américain risque d’alimenter les tensions. La position de la Chine sur la scène mondiale est scrutée et peut être amenée à évoluer en fonction des prises de position du président Trump. Jérôme Clément, fondateur et ancien président d’Arte, a pu observer l’évolution de la Chine. Il essaie de décomplexifier la pensée stratégique chinoise.

Les Occidents et la Chine

L’Europe va-t-elle courtiser la Chine pour contrecarrer la puissance du président américain ? Une question qui préoccupe les services diplomatiques des deux côtés de l'Atlantique. Pour Jérôme Clément, “l'un des enjeux de la période actuelle est de savoir s'il va y avoir une entente entre la Chine et les Etats-Unis, au détriment de l'Europe, ou s'il va y avoir une entente entre la Chine et l'Europe pour contrer les Etats-Unis”. Les relations sino-américaines sont pourtant complexes. Plusieurs points de discorde existent entre les deux premières puissances mondiales. Taïwan, les taxes à l’importation, les géants du Net font office de figure de proue de la lutte d'influence entre les deux pays. Pour autant la main tendue adressée à la présidence chinoise au profit de la cérémonie d’investiture pourrait être synonyme de dégel.

L'un des enjeux de la période actuelle est de savoir s'il va y avoir une entente entre la Chine et les Etats-Unis, au détriment de l'Europe, ou s'il va y avoir une entente entre la Chine et l'Europe pour contrer les Etats-Unis.

Face à cela une Europe qui fait pâle figure. Donald Trump n’a pas caché ses ambitions expansionnistes, jetant son dévolu sur le Groenland et le Panama. Le milliardaire mène aussi une guerre commerciale, imposant des taxes importantes sur les produits d’importation en provenance du vieux continent. L’Europe et la Chine ont déjà noué des partenariats. Le projet des nouvelles routes de la soie, lignes ferroviaires ou ensemble portuaires reliant la Chine à l’Europe, est déjà en marche, symbole d’intérêts économiques mutuels. Un renforcement des liens entre l’Europe et la Chine permettrait pour Jérôme Clément “d’ouvrir une porte de sortie et éviter d'être écrasé par un Trump puissant et dominateur et qui veut envahir tout le monde.”

La Chine, un allié intéressé

Si la Chine peut être intéressée par des partenariats avec le vieux continent, mettant ainsi de côté des tensions remontant au XVIème siècle et à l’implantation de comptoirs sur la côte, elle ne perd toutefois pas de vue son intérêt propre. Jérôme Clément le dit sans détour. “La Chine est nationaliste. C'est leur intérêt qu'ils défendent, et nous, il faut qu'on défende le nôtre. Il ne faut pas être dupe.” Le président chinois Xi Jinping a détaillé les objectifs de la Chine dans un discours devant le Parlement. D’ici 2049, il souhaite avoir obtenu le contrôle de Taïwan et fait de son pays la première puissance mondiale. L’aventure spatiale est aussi en question. La Chine a lancé depuis plusieurs années un programme spatial et ambitionne de remplacer la station internationale spatiale vieillissante par des modules chinois, sobrement appelés Tiangong, palais céleste.

La Chine est nationaliste. C'est leur intérêt qu'ils défendent, et nous, il faut qu'on défende le nôtre.

Jérôme Clément appelle donc à la prudence dans les rapports avec la Chine. Le poète français Victor Segalen, voyageur et sinologue, avait intitulé une de ses créations, Trahison fidèle, une vision que Jérôme Clément corrobore. “Ils ont un langage extrêmement compliqué à comprendre. On n'arrive jamais à savoir exactement ce qu'ils pensent. On passe toujours par des métaphores, on se retrouve dans la mythologie, et on essaye d'avoir une réponse précise.” 

Emmanuel Macron s'était rendu en Chine en 2023 et Xi Jinping avait fait le déplacement en 2024. Un premier indice quand à l'avenir des relations entre la Chine et l'Europe.