Sophie Ducrey vit aujourd’hui en Belgique, où à l’âge de 46 ans, elle coule des jours heureux avec son mari et ses cinq enfants. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Elle publie aux éditions Tallandier, un ouvrage intitulé 'Etouffée-Récit d’un abus spirituel et sexuel', dans lequel elle revient sur les abus spirituels et sexuels dont elle a été victime au sein de la communauté Saint Jean. Un livre qui vient de sortir, mais que son auteur a essayé de publier en vain pendant des années.
'Maintenant je peux parler publiquement. D’autres témoignages sortent. Les gens acceptent d’entendre ce genre de choses. J’ai essayé d’opérer une libération toute seule quand j’ai réalisé que je ne serai pas entendue. Il faut pouvoir survivre donc j’ai essayé de tourner la page. Je croyais que j’avais assez bien tourné la page. Et je constate que la libération est encore en cours' explique-t-elle.
L’histoire débute en 1989. Sophie Ducrey a alors 16 ans. Elle rencontre la communauté Saint Jean. 'Je suis fragilisée par les déplacements de mon père tous les trois ans. J’arrive dans un pays que je ne connais pas, je n’ai pas d’amis. J’ai un passé difficile. Je suis en dépression à ce moment-là, et j’ai une très grande soif de liant, d’amitié, et je cherche un sens à ma vie' précise-t-elle.
Dans la communauté, elle trouve des liens, des bras ouverts. On la met en valeur. Elle trouve un enseignement profond et solide sur des notions essentielles à la vie. Elle prend rapidement un père spirituel au sein de la communauté. Un lien affectif, trop affectif, se met alors en place. Une affectivité sous couvert de mysticisme, précise Sophie Ducrey. 'Il est sensé guider la personne dans son lien à Dieu. Mais cela va plus loin dans la communauté' lance-t-elle.
Elle se pose rapidement la question de la vie religieuse. Une faiblesse interprétée comme une volonté d’appartenir à tous. 'Toutes mes failles étaient interprétées comme des grandeurs mystiques' précise Sophie Ducrey. Les abus sexuels débutent quand elle a dix-huit ans, avec son père spirituel. Mais il n’y a pas de viol. 'Il justifiait tout ce qu’il faisait par les textes du père fondateur' lance-t-elle. 'J’ai osé le dire à ma mère qui elle-même était dans le déni' lance Sophie Ducrey.
Pour cette dernière, les abus spirituels sont le fait de 'faire croire à la personne que tout ce qui est vécu est vécu en Dieu. Comme le prêtre est celui qui est le représentant de Dieu, c’est par lui que je vais trouver Dieu'. Elle réalise assez rapidement qu’elle n’est pas la seule victime. L’une des conséquences du système communautaire très fort en vigueur à Saint Jean. 'Elle prend en son sein des personnes en manque de père et de mère, d’amour, et de liens familiaux. On est dans l’inceste spirituel' estime Sophie Ducrey.
Expliquant la théorie de l’amour d’amitié, très présente au sein de la communauté, et qui a pu occasionner de nombreuses dérives d’emprisonnement spirituel et d’abus sexuels, Sophie Ducret explique que la communauté Saint Jean est un système fomenté par le haut. 'Cela n’aurait pas pu continuer sinon' lance-t-elle. Aujourd’hui, son abuseur est toujours prêtre, et toujours en liberté, conclut Sophie Ducrey, témoignant dans son ton, d’un chemin de guérison toujours en cours.
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