La situation devient intenable pour les plus de 30.000 agriculteurs bio français. Et cela dure depuis trois ans. On parle de montant de plusieurs milliers voire dizaines de milliers d'euros par exploitants. Devant le retard de ces versements, la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB) a saisi le 25 octobre dernier le Défenseur des droits pour faire pression sur l’Etat et débloquer les sommes des trois dernières années. Le gouvernement annonce depuis un an, un retour à la normale sur le paiement des aides avant fin 2018. Pour la FNAB le retour à la normale n’aura pas lieu dans les délais annoncés.
Aujourd'hui, on compte deux types d'aides : celles au maintien et celles à la conversion. Ces dernières permettent à un exploitant conventionnel de faire le tampon durant la période de transition pour obtenir le label bio, comme le rappelle Anne Hegelin, chargée de mission aide et réglementation à la Fédération régionale des producteurs bio en Auvergne Rhône-Alpes.
Ces exploitants ont construit leur modèle économique sur la base des montants de soutien annoncés en 2014. Depuis, les montants ont baissé, l’aide au maintien a été rabotée, mais qui plus est le soutien restant n’est pas versé. On voit mal un patron de startup ou de PME fonctionner ainsi. Et en l’absence de ces aides, les producteurs et productrices bio sont aujourd’hui contraints de s’endetter.
Ces difficultés s'ajoutent à d’autres plus classiques comme la sécheresse très présente pour la deuxième année consécutive en France. Mais le problème ne touche pas que les aides pour le bio. Les aides conventionnelles sont aussi en retard mais dans une moindre mesure. La raison donnée par l'administration : des difficultés informatiques. Une explication qui ne convainc pas Jean-Luc Hervé, éleveur bio de brebis dans le Tarn et porte-parole de la Confédération paysanne pour ce département.
Face à ce bloquage, la consommation de bio continue de progresser en France. C'est tout le paradoxe. En 2017, le montant des achats de produits alimentaires issus de l’agriculture biologique a représenté 8,3 milliards d’euros soit 17% de croissance par rapport à 2016 selon l'Agence bio. C'est 4,4 % de la consommation générale alimentaire. 69% de ce qui est consommé est produit en France. Mais le marché est appelé à doubler tous les cinq ans. Et il faut y répondre.
Par ailleurs, le nombre de nouveaux engagés dans l’agriculture biologique a atteint le chiffre de 4.300 fin juillet contre 3.700 sur la même période un an plus tôt. Fin 2017, ils étaient plus de 36.600 à revendiquer le label. D'où l'incompréhension du secteur par rapport à l'attitude de l'Etat et le discours affiché par le gouvernement.
Certains cherchent des parades pour tenir le coup durant la phase de conversion. Exemple avec les vignerons d'Occitanie et leur logo CAB, pour Conversion en Agriculture biologique. Il est destiné aux viticulteurs de la région, en deuxième année de conversion vers le bio. Mais pas encore labellisé. Car pour l’avoir, il faut atteindre quatre ans de vinification bio. Cette idée a été portée par l'association Sudvinbio.
Une solution qui ne résout pas le problème général. D'autant qu'une autre menace pèse sur ce secteur en plein boum avec l’arrivée de gros acteurs de la distribution sans doute moins portés par l’éthique.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !