Sécheresse, pollution, conditions de travail et prix inéquitables… Les défis auxquels font face les agriculteurs sont et continueront d’être nombreux dans les années à venir. Pour les relever, la filière agricole tente d’attirer des jeunes exploitants. Passionnés mais conscients du travail qu’il reste à accomplir, quatre agriculteurs venant de différentes régions et pratiquant différents types d’agriculture, parlent de leur métier, sans cacher les problèmes auxquels ils sont confrontés.
« Devenez paysans. On a besoin de plus en plus de monde, donc venez » : l’appel de Matthieu Yon, maraîchers bio à Dieulefit dans la Drôme, est clair. Le monde agricole a besoin de bras et d’aides pour relever les nombreux défis qui les attendent. Au premier plan desquels : le réchauffement climatique. Les sécheresses à répétition en sont une parfaite illustration. Face à la raréfaction d’eau et de l’alimentation pour les bêtes l’été, les agriculteurs doivent faire preuve d’innovation. « La gestion de l’eau, on essaie de la mener sur nos exploitations en ayant des réserves les plus importantes possibles », explique Vincent Courtier, un éleveur de vaches à viande dans la Haute-Marne, pour qui les bassines, appelées parfois à tort « méga-bassine », sont une solution à étudier. « Il faut y réfléchir collectivement parce que l’eau est capitale », martèle-t-il.
Pour Matthieu Yon, le problème de la gestion de l’eau est plus profond encore : « c’est lié à la disparition des paysans ; il y en a de moins en moins donc ils sont moins présents dans les instances de décision ». Pour pouvoir défendre les intérêts des agriculteurs, il espère une relève générationnelle. Même s’il admet que ce ne sera pas facile à l’avenir de s’installer en tant qu’exploitant. « On dit qu’il faut renouveler les générations mais potentiellement avec les ressources d’eau actuelles, il est possible que les chambres d’agriculture refusent des installations parce qu’ils ne pourront pas accéder à l’eau », explique-t-il.
Mais la situation actuelle aussi compliquée sur le plan écologique qu’économique n’effraie pas pour autant les jeunes. Comme Jérémy Canivet qui, à 23 ans, est en train de reprendre une ferme. Un sacré défi pour celui qui ne vient pas d’une famille agricole mais qui est tombé dans la marmite très jeune, en allant dans la ferme voisine. A peine installé dans son exploitation de vaches laitières, Jérémy a très vite pris conscience des difficultés du métier et notamment du problème de main d’œuvre. « Beaucoup de jeunes sont dégoûtés du lait parce qu'ils voient leurs parents galérer », commente-t-il. Aussi, c’est par manque de temps et de bras qu’il a décidé de ne pas faire de transformation comme la production de fromages.
C’est justement pour se préserver, que Matthieu encourage les autres agriculteurs à lever le pied. « Dans le monde agricole, il y a un tabou, c’est la valeur travail. Je n’ose pas trop le dire mais je pense que si on veut attirer des jeunes, cette question [des conditions de] travail est importante », affirme-t-il. Pour se ménager, celui qui a étudié la philosophie avant de se lancer dans le maraichage, à décider de se concentrer sur un seul hectare. Ghislain Mascaux, céréalier dans le Nord, ne peut qu’acquiescer : « on essaie de faire de notre mieux, de faire évoluer nos techniques et que le travail ne nous submerge pas parce que sinon on arrive au suicide. Donc il faut trouver un compromis entre notre revenu, la préservation de l'environnement » et la santé mentale.
Pour Ghislain, qui travaille en agriculture régénérative, « c'est cette belle diversité qui fait [la] force » des agriculteurs. Et c’est aussi selon lui, ce qui incitera les jeunes à prendre le relai. Des jeunes, hommes comme femmes d’ailleurs. Car même si elles ne représentent qu’un quart des agriculteurs, « les femmes apportent beaucoup au monde agricole », affirme le céréalier nordiste qui a eu sa mère en modèle et l’a vue exercé des tâches très difficiles à toute heure de la journée. « Elles sont très courageuses pour moi », ajoute-t-il.
Désireux de faire évoluer leur technique et de se rapprocher des consommateurs, les quatre agriculteurs appellent les consommateurs à prendre à leur tour leurs responsabilités. « Faites confiance au bon sens paysan et aidez-nous en consommant français quand vous le pouvez », conclut Ghislain Mascaux.
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