Les premières épreuves de curling des Jeux Olympiques d'Hiver de Pyeongchang ont débuté ce jeudi. Pour les Sud-Coréens, il s’agit d’un événement extrêmement important. "C’est un pays qui a une stature internationale éclipsée par la problématique de la crise nucléaire nord-coréenne et qui trouve dans les JO le moyen de montrer son autonomie, sa puissance, ses capacités aux yeux du monde et devant les principaux dirigeants riverains, le Japon et la Chine. Il y a quand même des enjeux de politique étrangère" explique âMarianne Peron-Doise, chercheuse à l’institut stratégique de l’École militaire, spécialiste de la Corée et du Japon
Peu connu du grand public, la Corée du Sud est pourtant un pays très sportif. "Non seulement dans le domaine des arts martiaux mais également dans la pratique des sports d’hiver. Ils se préparent aux JO depuis longtemps, mais pour des raisons politiques, il y avait des problèmes de sécurité assez lourds qui pesaient sur l’organisation de ces jeux qui ont pu être compromis à un moment par les dérapages observés ces derniers mois. Ils ont mis beaucoup d’ardeur à convaincre qu’ils étaient capables d’organiser ces jeux, et ce n’était pas uniquement un problème de logistique, mais bien un problème de sécurité politique" ajoute cette spécialiste.
La Corée du Sud nourrit de nombreux clichés et fantasmes en Occident. La patrie de Samsung, des Coréens hyper-connectés, toujours rivés à leurs écrans. "C’est un pays plus complexe mais c’est vrai que cette maîtrise des hautes technologies est la marque de fabrique à l’international de la Corée du Sud. Il suffit de se promener dans les rues de Séoul pour se rendre compte que cette nouvelle génération est extrêmement connectée et a des rapports aux nouvelles technologies très différents des nôtres" confirme Marianne Peron-Doise.
Cette dernière ajoute néanmoins que cette modernité, ce soft power coréen qui fascine jusqu’à chez nous, reste l’apanage d’une catégorie de la population, jeune et urbaine. Il existe un décalage avec la Corée des campagnes, où le taux de chômage est toujours très fort, "et qui se sent laissée pour compte dans cette modernisation très attrayante qui ne profite pas à l’ensemble de la population sud-coréenne".
Outre les JO, la Corée du Sud est confrontée à de nombreux enjeux. "Le président a été élu sur un programme de rénovation sociale et économique avec des enjeux liés à ce chômage des jeunes. Il s’est engagé à changer la situation. Même si la Corée du Sud est la onzième puissance économique mondiale, ce genre de problème sera assez compliqué à résoudre, car la croissance reste relativement faible" lance cette chercheuse à l’institut stratégique de l’École militaire.
Son voisin, la Corée du Nord, participe aux Jeux Olympiques. Ce n’est pas la première fois. Pour autant, le fait que la compétition se déroule en Corée du Sud est un événement historique pour la dictature de Kim Jong Un. "Voir les deux équipes Nord et Sud défilant sous un même drapeau, on l’a déjà vu, à Séoul, en 2000. Ça avait beaucoup surpris mais donné l’espoir d’un rapprochement qui aille au-delà de cet événement olympique. La suite nous a fait revenir sur cette vision très optimiste. Là, la tonalité reste différente au regard d’une Corée du Nord qui a acquis des capacités nouvelles. On a une puissance nucléaire de fait, et un durcissement de ton manifeste vis-à-vis des États-Unis, le grand allié de la Corée du Sud" analyse Marianne Peron-Doise.
Cette spécialiste de la Corée explique tout de même que la Corée du Nord ne manquera pas de montrer le visage d’un pays normalisé à cette occasion, à grand renfort de propagande, et grâce à la sœur de Kim Jong Un, qui participera à la cérémonie d’ouverture aux côtés du Premier ministre japonais et du vice-président américain. "Les 200 membres de la délégation nord-coréenne ont été choisi avec beaucoup de soins, en raison de leur proximité avec le régime" précise Marianne Peron-Doise qui ajoute que les familles des athlètes ont été retenues en otage pour prévenir tout risque de désertion.
"La Corée du Nord ne se montre pas sous un jour très attrayant ces dernières années. Jusqu’encore les années 2000, il y avait une aide internationale très importante en Corée du Nord, qui nous permettait d’ouvrir les yeux sur la réalité sociologique et donc l’encadrement très répressif de la population, ainsi que des conditions de vie très difficiles. Aujourd’hui, la Corée du Nord montre ses images d’Epinal où on voit des constructions nouvelles, des magasins d’Etat bien achalandés. Il y a eu une évolution de la situation avec l’ouverture des marchés privés. Est-ce-que cette évolution va se poursuivre ? C’est toute la question" conclut cette spécialiste des deux Corée.
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