Coupé de ses racines juives, le christianisme serait "incompréhensible". Cela fait donc plusieurs années que l'épiscopat français s'emploie à mettre fin aux croyances qui relèvent de l'antijudaïsme chrétien, forgé au fil des siècles. Ce mardi, la Conférence des évêques de France a présenté le livre "Déconstruire l’antijudaïsme chrétien" du Service national pour les relations avec le judaïsme (SNRJ).
Les évêques de France s’emploient à combattre les clichés, malentendus et fausses théories qui abiment le dialogue entre l’Église catholique et les juifs. En février 2021, ils ont publié la déclaration "Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité réelle". Et ce mardi 30 mai, le Service national pour les relations avec le judaïsme a présenté son livre "Déconstruire l’antijudaïsme chrétien" (éd. Cerf), lors d’une conférence de presse, qui s’est tenue au Fonds social juif unifié. Un livre préfacé par le grand rabbin de France Haïm Korsia et dont l'avant-propos est signé Mgr Éric de Moulins Beaufort, l'archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France (CEF).
Sensibiliser les jeunes est l’un des objectifs de ce livre, outil éducatif à destination des éducateurs. "Ce que nous souhaitons beaucoup, précise Père Christophe Le Sourt, le directeur du Service national pour les relations avec le judaïsme, c’est que les éducateurs, les responsables d’aumôneries, les personnes qui accompagnent des jeunes, que ce soit dans les groupes scouts, dans les différentes aumôneries de l’Enseignement catholique, de l’enseignement public, puissent travailler tel ou tel chapitre pour pouvoir justement décliner tel ou tel aspect de l’antijudaïsme chrétien."
L’antijudaïsme chrétien "a été le terreau de l’antisémitisme", rappelle le Père Le Sourt, fidèle aux propos de Jules Isaac, historien juif qui a su convaincre le pape Jean XXIII. "À partir de l’an mil et donc des premières croisades", cet antijudaïsme "a basculé du mépris à une violence absolument effrénée". Antijudaïsme qui a longtemps reposé sur des croyances comme celle de "peuple déicide". Pour le Père Le Sourt, "il est très important de rappeler que dès le concile de Trente il était dit que l’on ne pouvait pas imputer à tous les juifs de l’époque et a fortiori aux juifs d’aujourd’hui, la responsabilité de la mort de Jésus".
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Autre croyance à déconstruire : la théologie de la substitution, selon laquelle "puisque les juifs n’avaient pas reconnu Jésus comme étant le Messie, le Christ, le fils de Dieu, il y avait le nouveau peuple et véritable peuple de Dieu, qui est l’Église". De même, l’Église réaffirme son opposition à toute forme de martionisme. Hérésie du nom de Marcion, théologien du IIe siècle qui "a voulu disqualifier le Premier Testament" et "récuser toute référence dans le Nouveau Testament au Premier Testament". "Il est très important de rappeler l’unité des Écritures", souligne le Père Le Sourt.
Nous sommes de la lignée d’Abraham, le christianisme serait incompréhensible si nous le déracinions
Ces croyances, l’Église les a officiellement abandonnées au cours du XXe siècle, qui a constitué un tournant dans les relations judéo-chrétiennes. L’une des pierres angulaires de ce dialogue date du concile Vatican II et de la déclaration conciliaire Nostra Aetate de 1965, "un moment capital de nos relations avec nos frères juifs", décrit Christophe Le Sourt. Nostra Aetate rappelle les racines juives du christianisme. "Nous sommes de la lignée d’Abraham" et "le christianisme serait incompréhensible si nous le déracinions".
Et "il y a eu depuis 60 ans de gestes très importants posés par les papes successifs", comme le rappelle le directeur du Service national pour les relations avec le judaïsme. Et en particulier Jean-Paul II, à qui l’on doit l’accord fondamental de 1993, par lequel le Vatican a officiellement reconnu l’État d’Israël, ou encore son discours prononcé dans la grande synagogue de Rome en 1986, où il a dit aux juifs : "Vous êtes nos frères aînés."
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