Le camion vient de livrer les denrées alimentaires du jour. Dans l’entrepôt, des petites mains s’activent pour trier la récolte, et préparer les paniers à distribuer. "En théorie, il y a des stands dans toutes les pièces et la personne rentre, fait le tour et va choisir ses produits, explique Vincent, le responsable des stocks. Mais avec le coronavirus, on ne peut plus faire rentrer les gens." L’organisation a donc été repensée : les bénévoles préparent les colis en amont, en respectant, grâce à un système de points, un quota d’aliments en fonction du nombre de personnes par foyers. Les bénéficiaires viennent ensuite récupérer leur panier à l’extérieur, après avoir réservé une plage horaire.
Au total, avec les collectes des deux premiers jours de la semaine, près de 400 kilos de nourriture ont pu être distribués, au centre du 7è arrondissement de Lyon, ce mardi 24 novembre. Un jour de forte affluence, puisque c’était aussi le lancement de la 36e campagne hivernale des Restos du cœur. À partir de maintenant, les personnes en situation de précarité peuvent donc officiellement venir s’inscrire pour pouvoir bénéficier, cet hiver, de l’aide de l’association, qui se limite actuellement à la distribution alimentaire.
"Normalement, on a aussi un vestiaire, des cours de français, de l’aide au devoir, un atelier d’expression et de danse, de l’aide à la personne pour les problèmes administratifs, un service de demande de microcrédits, mais tout cela a fermé à cause de l’épidémie", détaille Guy Krecek, l’un des trois responsables du centre lyonnais. En une vingtaine d’années d’engagement au sein des Restos du cœur, il dit d’ailleurs n’avoir "jamais vu ça" : "C’est une période très difficile, on a même failli fermer, s’étonne-t-il. D’autant que cette situation engendre parfois des heurts, des conflits entre bénéficiaires. On sent bien que les gens sont tendus et qu’ils en ont par-dessus la tête."
Le co-responsable du centre s’inquiète surtout de voir les files d’attente se rallonger, alors que les provisions ne sont pas toujours faciles à constituer avec les restrictions sanitaires : "Par exemple, la grande collecte du mois de mars, on n’a pas pu la faire, se souvient Guy Krecek. Et puis il n’y aura peut-être pas de concert des Enfoirés, alors que c’est aussi un apport important."
Entre 2019 et 2020, les Restos du cœur ont distribué plus de 136 millions de repas, et accueilli 875.000 personnes en France. Et le président de l’association, Patrice Blanc, craint de dépasser le million de bénéficiaires lors de cette 36e campagne. À Lyon, face à l’affluence, Guy Krecek et les autres responsables envisagent en tout cas d’étendre les plages horaires de distribution alimentaire.
Une situation difficile, donc, avec tout de même un point positif : l’engagement des jeunes, qui sont davantage disponibles en raison du confinement, et qui sont donc prêts à donner de leur temps pour les Restos du cœur. "Je n’avais pas envie de rester chez moi à rien faire, témoigne Léo, 21 ans, étudiant et bénévole à Lyon depuis le mois de mai. On rencontre des gens différents de notre cercle familial, et puis j’ai appris des choses : gérer un stock, écrire des mails corrects, appeler des professionnels, être courtois, gérer des urgences, coordonner les équipes… Cela créé une vraie cohésion, et puis comme ce n’est pas professionnel, il n’y a pas de hiérarchie, c’est plus tranquille."
Mais paradoxalement, les jeunes sont aussi de plus en plus nombreux à être bénéficiaires de l’aide apportée par les Restos du cœur : pendant la dernière campagne, 10% des personnes accueillies étaient âgées de 18 à 25 ans.
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