Le métier de transporteur routier est essentiel dans notre société mais il est pourtant peu valorisé par les entreprises et quelques fois trop méprisé par les automobilistes. Quels changements peut-on observer entre l’ancienne génération de routiers et la nouvelle avec l'essor du e-commerce, et comment les routiers vivent-ils avec une pression constante ?
Des milliers de kilomètres, ça use, ça use ! Et pourtant faire beaucoup de kilomètres, ce n’est pas ce problème qui inquiète les chauffeurs routiers, mais le mépris qu’ils peuvent recevoir quotidiennement. Jean-Claude Raspiengeas, auteur de Routiers aux éditions de l’Iconoclaste, est parti en immersion pendant plusieurs mois avec des professionnels de la route. Il témoigne du mépris important que subissent les transporteurs aussi bien de la part de leurs patrons qui leur mettent une pression énorme, mais aussi de la part de leurs clients et des automobilistes. Respecter les tranches horaires de chargements, les temps de pause, les livraisons à effectuer dans des délais serrés, sont des facteurs qui amènent une forte pression pouvant jouer sur le mental des femmes et hommes de la route.
Depuis de nombreuses décennies, l’économie nationale et internationale dépend de ces transporteurs. L’essor du e-commerce en témoigne davantage avec des livraisons en 24 heures offrant une pression supplémentaire. La gratuité des frais de port, quant à elle, est souvent remise en cause car le travail effectué n’a finalement plus aucune valeur pour ces professionnels.
On remarque beaucoup de changements dans le métier de transporteur routier entre les générations, dont deux remarquables : l’avancée technologique et les circuits de livraison. "À mon époque, il y avait une sorte d’indépendance. À l’intérieur de ma cabine, j’étais mon propre patron mais aujourd’hui ce n’est plus vraiment le cas" témoigne Yvon Le Goff, prêtre à Carhaix et ancien chauffeur routier. La différence aujourd’hui, on la remarque dans les circuits de livraison, bien différents par rapport au siècle précédent. À l’époque d’Yvon Le Goff, 80 % des routiers français se rendaient à l’international et partaient généralement pour des périodes longues de un à deux mois. Aujourd’hui, les conducteurs font des circuits plus courts et localisés le plus souvent en France, car ce sont les chauffeurs étrangers qui prennent le relai des marchandises pour le trafic international.
Un autre changement et pas des moindres : l’essor de la technologie. Loin est l’époque où Yvon Le Goff pouvait organiser son temps de travail comme il le souhaitait. Aujourd’hui, les camions sont dotés d’une assistance technologique comme des avertisseurs de radars, des satellites, des écrans ou encore des mouchards. "Le monde change à cause de l’hyperconnexion, les routiers aujourd’hui sont constamment surveillés, les entreprises peuvent vérifier à tout moment leur localisation exacte, je trouve ça très grave" avoue l’ancien transporteur.
Exercer ce métier, c’est tout un calcul et une vraie organisation ! Les horaires de livraisons sont calculées avec précision, les temps de pause sont eux aussi définis et gare aux routiers qui ne les respectent pas. Si vous pensiez que le métier de routier était de tout repos avec une autonomie et une tranquillité complète, c’est faux. Même la police peut se permettre de surveiller les transporteurs. La pression des entreprises et l’irrespect des usagers de la route provoquent quelques fois des maladies psychiques chez eux. "Avant, les routiers souffraient physiquement, par exemple avec des maux de dos. Aujourd’hui, ils souffrent mentalement, on observe beaucoup d’AVC et de burn-out" explique Jean-Claude Raspiengeas.
Un autre facteur d’une pression constante est l’attention permanente que les chauffeurs accordent aux autres automobilistes, parfois dangereux et irrespectueux. "On doit toujours avoir un œil sur les autres véhicules" note finalement Yvon Le Goff. Faire attention aux autres fait donc partie intégrante du métier, et c'est d'ailleurs l’une des conditions les plus importantes pour exercer cette profession.
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