En cette veille de long week-end de la Toussaint, j’ai envie de parler d’héritage. Pas l’héritage matériel, fait de biens et d’argent, parfois de déchirements. Mais celui que nous laisse ceux qui nous ont précédés. Ceux que nous avons connus et aimés.
C’est le père Jean Moubourquette qui a développé cette idée d’héritage, l’ultime étape du deuil, selon lui. Ce prêtre et psychologue d’origine canadienne a travaillé et réfléchi en profondeur sur le deuil en accompagnant beaucoup de personnes.
Il en évoque les différentes étapes. Bien sûr, ce n’est pas mathématique, chacun son rythme. Mais il y a des similitudes qui permettent d’appréhender ce sujet incontournable de notre humanité et d’y puiser des clés pour vivre. Dans un deuil, il y a d’abord "le choc ou le trauma", puis "le déni", "l’expression des sentiments", la "réalisation des taches concrètes reliées au deuil", ensuite "la quête d’un sens à cette perte", puis "l’échange des pardons", et enfin le "laisser partir" qui précède donc l’ultime étape : "l’héritage".
Le père Monbourquette pense qu’un deuil bien vécu peut avoir une fin, et devenir une source de sagesse qui s’ouvre sur une compréhension plus généreuse de la vie et de la mort. Dire que le deuil prend fin ne veut pas dire qu’on oublie le défunt, mais que la douleur finit par laisser sa place à cet héritage qui vient enrichir la personnalité de celui qui est en deuil. Après avoir épuré au cours du deuil ce qui devait être pardonné, même sa mort finalement, l’héritage c’est cette manière de recevoir ou garder ce que le défunt nous apportait, ses dons, ses qualités et de se réapproprier toutes les projections dont on entourait l’être aimé. Grâce à cela, la personne endeuillée se trouve enrichie, gratifiée et comblée d’une nouvelle présence de l’être aimé décédé, non pas à l’extérieur de soi, mais à l’intérieur de soi.
C’est un écho à ce proverbe bulgare que je trouve très beau "Les vivants ferment les yeux des morts, les morts ouvrent les yeux des vivants". Cet héritage ne se limite pas à ce qui se vit dans le cœur de l’endeuillé. Des morts inconnus exercent dans nos vies une grande influence. On peut penser à l’héritage des saints, avec cette solennité que nous fêterons lundi. Je pense qu’on n’imagine même pas à quel point nous sommes nourris et façonnés, par leurs vies, témoignages, martyrs et écrits.
Je finirai avec une belle réflexion qui s’offre à chacun. Nous avons tous un saint ou une sainte, ou plusieurs, qui nous inspirent plus particulièrement. Les avons-nous choisis ? Pas si sûr. Un prêtre un jour m’a dit que ce n’est pas nous qui choisissons les saints. C’est eux qui nous choisissent. A méditer, ce matin… Alors, je souhaite à tous une belle fête de la Toussaint. En communion avec nos défunts et tous les saints du Ciel. Et leur héritage, sans fin.
Blanche Streb est essayiste, chroniqueuse, conférencière, auteure de "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018). Elle est aussi directrice de la Formation et de la recherche d’Alliance Vita. Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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