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Loi Claeys-Leonetti : peut-on croire au débat sur la fin de vie en France ?

Un article rédigé par Aurore Ployer - RCF, le 2 décembre 2022 - Modifié le 29 mai 2024
Le Press Club de RCF : l'actu hebdo décryptéeLoi Claeys-Leonetti : peut-on croire au débat sur la fin de vie en France ?

Une semaine avant le début de la convention citoyenne sur la fin de vie, le député Olivier Falorni, fervent défenseur de l’euthanasie, a été nommé cette semaine président de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti. L’issue du débat semble alors laisser peu de suspense. Pourtant, les arguments en défaveur de l’euthanasie décrivent des réalités souvent méconnues.

© Thibaut Durand / Hans Lucas© Thibaut Durand / Hans Lucas

Quid du débat sur la fin de vie en France ?

 

Il ne faut pas réduire le débat sur la fin de vie à deux positions caricaturales, insiste Philippine de Saint Pierre, directrice générale de KTO : "Avant tout, il faut savoir de quoi on parle, il ne s’agit pas de deux camps binaires qui opposeraient ceux en faveur d’une mort digne et ceux en faveur d’une mort dans d’atroces souffrances pour protéger la vie à tout prix." La loi Claeys-Leonetti, votée en 2016 pour mieux répondre à la demande de mourir dans la dignité, garantit le droit d’accès aux soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie. Pour Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie, la loi était porteuse d’ambitions suffisantes : "Cette loi était un immense espoir en faveur de la dignité mais aucune volonté politique n’a suivi pour appliquer le texte. Olivier Falorni dit examiner cette loi mais c’est une mascarade : il ne peut pas l’examiner puisqu’elle n’a jamais été appliquée."

 

Les soins palliatifs sont insuffisamment déployés alors qu’ils représentent une alternative à l’euthanasie, déplore Aymeric Christensen : "Il ne s’agit pas d'édulcorer le débat, on ne peut évidemment pas soulager le patient de manière complète. Cependant, dire qu’on ne peut pas mourir dans la dignité en France ne correspond pas à la réalité des faits. Quand la douleur est prise en charge, moins de 1% des demandes d’euthanasie sont maintenues. La majorité des soignants, qui ne sont pas croyants, sont contre l’euthanasie mais militent pour l’amélioration des soins palliatifs." Jean-Claude, un auditeur, aumônier d’hôpital et ancien soignant, confirme : "La presse et la société pensent que si on débat sur la dignité de la mort en France, cela signifie forcément qu’on meurt aujourd'hui dans l’indignité. Or, les patients demandent rarement l’euthanasie. Il y a un décalage entre ce que l’on dit et la réalité." 

 

Opportunité pour les uns, incitation au désespoir pour les autres ?

 

La légalisation de l’euthanasie, même encadrée, peut toujours s’élargir, soulignent unanimement Aymeric Christensen et Philippine de Saint-Pierre. "Théo Boer, professeur d’éthique de la santé, pourtant favorable à l’euthanasie, met en garde dans une tribune du journal Le Monde la fuite en avant qu’une telle loi peut représenter. À long terme, c’est la porte ouverte à l’élargissement de l’euthanasie aux personnes souffrants de maladie chroniques, aux personnes en situations de handicap, à toutes les personnes qui perçoivent leur vie comme insupportable", met en garde Aymeric Christensen. Philippine de Saint-Pierre soutient qu'Olivier Falorni participe à de la désinformation : "Il dit que la légalisation de l’euthanasie dans d’autres pays n’a pas entraîné une hausse des suicides assistés, mais c’est faux. En Belgique, de 200 morts par an, on est passé à 2900.

 

La décision de se faire euthanasier ne procède pas forcément du libre arbitre, alerte Philippine de Saint-Pierre : "L’argument qu’on entend souvent, c’est que la légalisation de l’euthanasie va avec la liberté de chacun de se déterminer lui-même. Or, se faire euthanasier n’est pas un choix individuel : il impacte le corps social, la famille, les soignants." Le patient peut aussi avoir l’envie de soulager sa famille : "Quand les soins coûtent chers, quand les malades ont le sentiment d’être un poids pour leur famille, l’envie de partir ne vient pas forcément d’eux-mêmes." Les positions en défaveur de l’euthanasie ne se réduisent pas au champ religieux, insiste-t-elle : "Si les médias relaient que l’opposition à la loi relève seulement des lobbys religieux, les gens ne se sentiront pas concernés. C’est une question de bien commun, un débat de société. Il y a des militants non-croyants qui alimentent la réflexion, notamment les soignants en soins palliatifs."

 

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