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Lyon : « ces jeunes migrants nous ont obligés à ouvrir nos cœurs »

Un article rédigé par Jean-Baptiste Cocagne - RCF Lyon, le 19 janvier 2024 - Modifié le 23 janvier 2024
Tempo · Le podcast d'actualité de RCF LyonLyon : « ces jeunes migrants nous ont obligés à ouvrir nos cœurs »

Pendant quarante nuits, entre le 8 décembre 2023 et le 16 janvier 2024, plusieurs dizaines de migrants ont dormi dans l'église du Saint-Sacrement dans le 3e arrondissement de Lyon.

Le prêtre en charge de la paroisse, le père Renaud de Kermadec, est l'invité de Tempo pour revenir sur ce qui s'est vécu dans la paroisse pendant cette période.

Père Renaud de Kermadec - © RCF Lyon janvier 2024Père Renaud de Kermadec - © RCF Lyon janvier 2024


Depuis avril 2023, 210 tentes étaient installées dans le square Sainte-Marie-Perrin, faisant face à l'église du Saint-Sacrement, dans l'attente de la décision concernant le recours sur leur âge. Dans ce campement de fortune, de jeunes hommes venus d'Afrique subsaharienne (Guinée-Conakry, Cameroun, Sénégal, Côte d'Ivoire principalement). Tous se disent mineurs mais ne pas reconnus comme tel par l’Etat français. De l'autre côté de la rue Garibaldi se dresse le siège de la Métropole de Lyon, qui refuse de prendre en charge ces migrants, les estimant majeurs.

Le 8 décembre 2023, devant la pluie abondante et le froid, 80 migrants, accompagnés par un collectif de soutien, avaient demandé à passer la nuit dans l'église du Saint-Sacrement. Ils sont revenus tous les soirs jusqu'à la mi-janvier, repliant leurs couvertures et duvets chaque matin pour laisser place au culte et à la vie de la paroisse en journée.

« J'ai choisi de faire confiance à ces jeunes et j'ai tout de suite voulu rassurer les paroissiens et leur dire "ça se passe bien, les jeunes sont respectueux". Il y avait un enjeu spirituel » pour notre paroisse avec « des pauvres qui frappent à notre porte. Une sorte de Bethléem avant l'heure » quelques jours avant Noël selon le père Renaud de Kermadec, prêtre administrateur du Saint-Sacrement.

Ces migrants sont des jeunes d'Afrique subsaharienne, pour une bonne part des musulmans, ayant appris dans leur pays à vivre une forme de cohabitation harmonieuse - généralement - entre catholiques et musulmans. De fait, j'ai été frappé par leur grand respect. Pendant les 39 nuits, il n'y a jamais eu de point vraiment problématique. (...)  En fait, à travers cet événement, qui nous a un peu forcé la main, ça nous a obligés à ouvrir nos cœurs, à déployer des énergies et de la bonté. J’ai été assez bouleversé par la générosité à la fois des paroissiens mais aussi des gens du quartier.

En relisant cette occupation de l'église, le prêtre a vu un « un enjeu relationnel » avec ces jeunes qui s'est joué sur le terrain de l'humanité.

Ils me l'ont dit eux-mêmes : ils avaient besoin d'entrer en relation. Ce que nous avons vécu ensemble avec eux est une sorte de main tendue. (...) Tout d'un coup, ils percevaient à travers une communauté chrétienne qu’ils étaient des personnes et qu'ils étaient reconnus comme tels, et qu'une relation interpersonnelle pouvait se nouer avec eux.

Pour la paroisse, cette solidarité avec ces jeunes migrants a été une expérience spirituelle marquante et forte.

Je vois que c’est une expérience fondatrice et bienfaisante, à la fois pour ces jeunes, mais aussi pour nous. Des peurs sont tombées, et je crois qu’on a essayé, humblement, avec nos pauvretés et nos limites, de vivre une parole d’évangile : « j’étais un étranger et vous m’avez accueilli » prononcée par Jésus. J'ai essayé, avec mes paroissiens, aussi honnêtement que possible de nous y ajuster. (...) Tout avait commencé le 8 décembre, nous l'avions confié à Marie, et je vois comme un petit sourire de Marie, qui a été présente et qui a aidé, avec bien sûr l’aide de son fils, à débloquer cette situation et je ne peux que rendre grâce.

Lundi 15 janvier 2024, dans le cadre de l'hébergement d'urgence, tous ces migrants ont été mis à l'abri par la mairie de Lyon (140 places ouvertes au gymnase Gabriel Rosset, situé dans le 7e arrondissement) et dans des lieux mis à disposition par le diocèse de Lyon, 30 places à Lyon, Bron et Dardilly. L'évacuation s'est faite sans l'intervention de la police, le camp du square Sainte-Marie-Perrin a été démantelé.

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