Alors que 80 années se sont écoulées depuis le début du génocide de six millions de Juifs, comment continuer de transmettre la mémoire de la Shoah ? Comment lutter contre l'antisémitisme, toujours très présent dans notre société aujourd'hui ? Les enjeux sont nombreux pour la faire perdurer, notamment auprès des jeunes générations.
Cette journée mondiale sera une journée bien particulière. Avec l'épidémie de Covid 19, le Mémorial de la Shoah, à Paris, a dû s'adapter, faute de pouvoir recevoir du public. Des intervenants vont tout de même se rendre dans des écoles pour expliquer le génocide des Juifs et ses conséquences. Mais les rescapés qui allaient habituellement à la rencontre des élèves devront cette fois témoigner virtuellement. Depuis le Mémorial, ils raconteront leur histoire.
Transmettre cette mémoire aux jeunes générations a toujours été essentiel. Mais la jeunesse évolue, et les moyens de lui parler aussi. Depuis environ cinq ans, le Mémorial a créé son propre compte sur le réseau social Instagram. "On s’est mis à utiliser les réseaux sociaux pour apporter un contre discours mais aussi parce que c’est un outil pour toucher des jeunes qui ne s’adresseraient pas forcément au Mémorial. On a affaire à des enfants qui parfois ne se rendent pas compte du lien entre le présent et le passé", explique Jacques Fredj, son directeur.
Les actes antisémites et racistes ont augmenté ces derniers temps. Des cimetières juifs ont été profanés et des agressions se sont multipliées. En 2019, le ministère de l’Intérieur chiffrait cette hausse à 27%.
Avec la transmission de la mémoire de la Shoah, les institutions, les musées, les professeurs veulent aussi transmettre des valeurs comme l’égalité et la solidarité, pour tirer des leçons de l’Histoire.
Mais les valeurs sont une variable très difficile à quantifier et à vérifier. Ce qui est visible, c'est le développement de l’esprit critique des plus jeunes, selon Sarah Gensburger, sociologue de la mémoire et historienne de la Shoah au CNRS. "Il faut apprendre aux élèves à développer leur esprit critique. Il y a un risque à vouloir transmettre la mémoire comme quelque chose de figé. Est-ce que ce ne sera pas mieux transmis et accepté dès lors que les élèves eux-mêmes sont associés à la manière dont on a produit cette information ?", s'interroge l'auteure de "À quoi servent les politiques de mémoire ?" (Presses de Sciences Po, 2017, avec S. Lefranc).
Les professeurs sont souvent ceux à travers qui les élèves entendent parler du génocide des Juifs pour la première fois. Florian Maillot est professeur au collège et au lycée dans un établissement privé, également membre actif de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA). Ce professeur n’a jamais rencontré de réticences de ses élèves au moment d’aborder la Shoah. Mais il se rend compte de la banalisation de l’antisémitisme. C’est pour cela que son rôle est primordial à ses yeux. "Les profs sont en première ligne sur ces questions-là. Je me considère comme un soldat en première ligne surtout dans ce contexte où l’antisémitisme explose. J’ai l’impression que les élèves ne prennent pas la mesure et la gravité de leurs propos", témoigne-t-il.
Pour tous les acteurs qui font perdurer la mémoire de l'Holocauste, la lutte contre l'antisémitisme doit continuer coûte que coûte. "Le pire serait de s’habituer aux manifestations d’antisémitisme. Ce qu’on comprend de l’histoire des génocides, c'est que tout commence par des mots et des petits actes. Il faut qu’il y ait une véritable mobilisation de la société française. En période de pandémie, cette situation est propice à la circulation de théories complotistes qui sont le terreau de cette pensée mortifère", assure Jacques Fredj.
Le mémorial de la Shoah organise toute la journée des événements virtuels axés autour de témoignages. Toutes les informations sont à retrouver sur leur site.
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