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Migrants : comment échapper aux stéréotypes ?

Un article rédigé par Jeanne d'Anglejan - RCF, le 9 novembre 2022 - Modifié le 10 novembre 2022
Je pense donc j'agisMigrants : comment échapper aux stéréotypes

Les clichés autour des personnes exilées sont nombreux et n’ont pas vraiment évolué à travers le temps. On entend souvent le même discours véhiculant une méfiance vis-à-vis des migrants arrivant en France. Plusieurs acteurs s’impliquent pour mieux les intégrer et les épauler dans leur arrivée, avec l’ambition de déconstruire les stéréotypes.

© La Cimade Festival Migrant'Scène 2021© La Cimade Festival Migrant'Scène 2021

Clichés sur les migrants, un phénomène qui n’a rien de nouveau

 

"Les stéréotypes se reproduisent, il y a une recrudescence de ces amalgames", souligne Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade. Pour elle, le danger est l’assimilation entre immigration et délinquance. L’association s’évertue à déconstruire ces "contre-vérités, à apporter une autre manière de percevoir ces personnes". Cela passe par des actions de sensibilisation dans des bibliothèques ou des centres sociaux. Béatrice Giblin est géographe et professeure émérite de l’université Paris 8, elle dirige la revue Hérodote. La sémantique est très importante : il y a quelque chose de "douloureux" dans le terme de réfugié, contrairement à celui d’immigré qui stigmatise. "Le terme que l’on choisit indique déjà comment l’on se positionne", souligne-t-elle. Le terme le plus neutre est selon elle celui de migrant.

 

Sociologue et chercheur associé au laboratoire Migrinter, Antoine Pécoud ajoute "on a toujours eu des stéréotypes sur les étrangers, en voulant trier les bons migrants et les mauvais migrants". C'est une constante dans l’histoire ; seuls les critères changent. Fanélie Carrey-Conte pointe du doigt la responsabilité collective de la société, du monde médiatique et politique. Les personnes exilées n’échappent ni à la violence, ni aux catégorisations, ni à l’exploitation. "Ils sont plusieurs centaines de milliers à vivre ici sans papiers, sans-abris, et exploités". Pour la secrétaire générale de la Cimade, il est plus pertinent de parler d’une "crise de l’accueil". Béatrice Giblin rappelle les différentes vagues de migrations connues en France, à l’échelle nationale comme européenne. "Il s’agit aujourd’hui d’une immigration post-coloniale, les représentations évoluent". Dans les médias ou les manuels scolaires, ce n’est pas la même image de l’exilé qui est véhiculée.

 

La position de la France et des Français 

 

L’actualité a montré que notre territoire pouvait accueillir en nombre. Ainsi, l'accueil des réfugiés ukrainiens a mis en exergue le pouvoir de mobilisation des Français. Antoine Pécoud explique cela ainsi : "la représentation change en fonction des pays. La preuve : il est bien plus compliqué d'accueillir des Afghans ou des Iraniens". En fait, "on cherche des migrants qui peuvent contribuer à la richesse de notre pays". Béatrice Giblin note que ce phénomène n'est pas propre à la France. Au Danemark, en Italie ou en Suède, on observe des mécanismes de protection. En Allemagne, la structure caritative est très développée.

 

Dans les années 1970, en France, le Parti communiste avait mené une campagne prônant "Le travail aux Français !", dans un contexte de "réelle préoccupation d’une présence étrangère". Récemment, c'est le discours tenu par Eric Zemmour qui interpelle. L'idée du grand remplacement et l'important écho qu'il a trouvé en France témoigne des peurs qui existent. Antoine Pécoud fustige ce "fantasme selon lequel l’immigration remplacerait la population française". L'économie d'aujourd'hui suppose une importante circulation des ressources et des personnes. "On entend parfois que l'État est une sorte de bouclier qui doit protéger la population". Pourtant, revenir à un monde totalement fermé n'est pas envisageable. 


Fanélie Carrey-Conte souligne qu'il existe aussi un élan de solidarité : "2 300 bénévoles donnent de leur temps tous les jours, beaucoup d'associations ou de collectivités locales s'engagent". Il y a eu récemment des "délinquants solidaires", accusés d'avoir aidé des personnes à passer la frontière. Les représentations continuent d'évoluer grâce à des films ou des médias autonomes.  


Existe-t-il une couverture médiatique idéale ? 

 

Les médias se font le relais des événements liés aux différentes crises migratoires. Souvent critiqués pour leur discours stéréotypé et unilatéral, l'enjeu est de "parler au plus près des faits sans céder à l'émotion". Les médias relatent des faits délicats de manière quasi-quotidienne, soit en traitant des personnes comme des cohortes, soit comme des individus. Antoine Pécoud invite à "reconnaitre que l’on reste dans un moule culturel". Les médias doivent œuvrer à ne pas "tomber dans du sensationnalisme". Le souci de représentation est un enjeu majeur, qui peut largement contribuer à changer les choses.

 

Des images reviennent comme un leitmotiv, que ce soit dans les médias ou dans les manuels scolaires. Elles poussent au mépris, à la peur. Il existe des poncifs qui ne sont pas remis en question : "On entend souvent dire que l'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais c'est un renoncement d'entendre ça." Béatrice Giblin rappelle que "la plupart des migrations se fait entre les pays du Sud". Pour contrer les clichés, Amnesty international a publié un Guide de dix idées reçues. La représentante de la Cimade pointe du doigt le "business colossal fait avec les migrants, du passeur au policier corrompu". Fermer les frontières n'est pas une solution : "cela ne fera qu'encourager le jeu des passeurs".

 

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