Un être humain extraordinaire, un géant, un exemple… les qualificatifs pleuvent du monde entier pour rendre hommage à Desmond Tutu. Archevêque anglican et icône de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, il est mort à l’âge de 90 ans, ce dimanche 26 décembre au Cap. Ses obsèques auront lieu le 1er janvier 2022. Retour sur une vie d’engagements avec Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et spécialiste de l’Afrique du Sud, revient sur son parcours.
Avec la mort de Desmond Tutu, c’est la dernière des grandes figures vivantes anti apartheid qui s’éteint - Nelson Mandela est mort en 2013 et Frederik de Klerk, le 11 novembre dernier. "C’était quelqu’un qui était extrêmement modeste", se souvient Thierry Vircoulon qui avait pu le rencontrer.
Aujourd’hui, "l’Afrique du Sud est le pays le plus inégalitaire du monde", rappelle le chercheur. Malgré le "grand désenchantement" que connaît la société sud-africaine, "par rapport au rêve d’il y a 30 ans", Desmond Tutu incarne toujours cet espoir d'une société égalitaire. Son image restera liée à celle de la "nation arc-en-ciel", notion qu’il a inventée et qui décrit l’Afrique du Sud comme une société multiraciale harmonieuse. "Plus encore que Nelson Mandela", selon le chercheur, Desmond Tutu est une figure qui fait consensus.
Dès les années 70, Desmond Tutu a pris publiquement fait et cause contre l’apartheid, pour lequel il a reçu le prix Nobel de la paix en 1984. Ce porte-voix des opprimés venait d’une "matrice religieuse très forte", où l’Église anglicane d’Afrique du Sud "a joué un rôle historique très important dans la formation des élites noires".
Ce leader religieux était très engagé dans le champ politique. Il a fait partie de structures comme l’Alliance des civilisations, il s’est prononcé contre la guerre en Irak, en faveur du dalaï-lama, et prit fait et cause contre le dérèglement climatique. Il a aussi pris des positions très progressistes, en faveur des droits des homosexuels, du suicide assisté ou du droit à l’avortement. Tout en affichant ses convictions, il a fait "une carrière religieuse exceptionnelle" au sein de la l’Église anglicane d’Afrique du Sud, dont il incarnait la tendance progressiste.
Dès sa création en 1995, Desmond Tutu a présidé la Commission de la vérité et de la réconciliation (CVR). Une instance destinée à faire la vérité sur l’apartheid. Pour Thierry Vircoulon, cette commission a été "une sorte de mise en acte de la théologie de la libération". Il s’agissait de traiter les crimes liés à l’apartheid "selon une forme très religieuse", où "les criminels devaient faire leur confession et étaient pardonnés selon certaines conditions".
Dans l’histoire du pays, cette commission a joué un rôle essentiel. Pour les politologues, elle illustre la façon dont "la pensée religieuse a été très utile dans la transition de l’apartheid à la démocratie". Les critiques formulées à l’égard de cette commission ne portent pas sur Desmond Tutu. Il a d’ailleurs été « très apprécié », notamment pour son impartialité. La polémique a porté sur l’après CVR, sur des poursuites pénales qui n’ont pas été engagées et des réparations aux victimes qui ont posé problème.
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