Je reprends ce matin le titre d’un article du dernier numéro du Point. Il s’agit d’une interview de la philosophe Cynthia Fleury qui, outre d’enseigner au Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris, a créé une chaire de philosophie à l’hôpital. Cynthia Fleury fait écho à la réflexion du CCNE, dont elle est membre, dans son avis 128 de février 2018 sur les enjeux éthiques du vieillissement.
Elle montre comment nos sociétés, dans lesquelles il nous faut toujours prouver notre utilité, courent le risque de « la chasse aux inutiles », au nom de ce mouvement de rationalité économique dans lequel nous sommes depuis deux siècles. Une société qui continue toujours de considérer la productivité comme l’alpha et l’oméga du progrès humain, au détriment de toute autre considération comme la qualité des liens, le sens de la vie, etc. Depuis les débuts des révolutions industrielles, c’est donc la « chasse aux inutiles » et chacun est sommé de prouver son utilité.
Dans cette chasse, les personnes dans le grand âge, surtout si elles sont dépendantes, sont les premières concernées. Est-ce ce qui explique que dans des structures collectives, type EHPAD, certaines d'entre elles semblent avoir pour premier objectif non d’abord le bien-être des résidents, ni favoriser tout ce que peut leur donner le goût de la vie, mais le souci premier paraît être de n’avoir ni incident ni accident. Ce sont alors les libertés individuelles qui se trouvent rognées avec des personnes attachées pour ne pas tomber ou gavées pour ne pas être dénutries.
Alors de toutes nos forces contrer cette chasse, offrir une pluralité de réponses et au grand âge et à la dépendance, et rendre plus humains ces établissements, nécessaires par ailleurs. Dire, aussi, qu’il est heureux que la vieillesse nous offre de ne plus être sous la surveillance des apparences et de la normalisation sociale, où l’écoulement du temps se fait plus lent pour goûter les choses de la vie.
Manifester de toutes les manières que la qualité d’humanité, et donc notre place en ce monde, ne dépend en rien de l’utile, mais bien du juste. Ce qui est juste est que chacun ait les conditions d’une vie digne et qui trouve du sens.
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