Quel sens mettons-nous derrière notre travail ? Est-il au centre de notre vie ? Ou autre contraire purement alimentaire ? Alors que les nouvelles générations changent leur perception de l’emploi, une petite phrase de la Première ministre n’est pas passée inaperçue.
"Le travail c’est la clé de la dignité, l’occasion de faire, d’apporter sa pierre à la société et de gagner sa vie par soi-même. Le travail c’est ce qui donne un sens à sa vie", a affirmé Elisabeth Borne lors de sa passation de pouvoir au ministère du Travail il y a plus d’une semaine avec Olivier Dussopt.
À l’issue de ce discours, les réactions sur les réseaux sociaux n’ont pas tardé. Sur Twitter, beaucoup d’indignation. "Madame Elisabeth Borne, je vous propose d'avoir un peu de dignité et de donner du sens à votre vie en la ruinant à l'usine 38h par semaine pendant 42 ans", écrit une internaute.
Madame @Elisabeth_Borne, je vous propose d'avoir un peu de dignité et de donner du sens à votre vie en la ruinant à l'usine 38h par semaine pendant 42 ans. Vous comprendrez pt-être pourquoi les pierres ont préfère les jeter dans la gueule de la société. https://t.co/dcaYdFpJzH
— Moumou (@Red_moumou) May 25, 2022
Cette prise de position interroge à l’heure où certains salariés se réjouissent du télétravail et d’autres prônent la semaine de 4 jours de travail. RCF a posé toutes ses questions à la sociologue du travail Danièle Linhart. "On peut être d'accord avec madame Borne pour dire que le travail est un élément essentiel et que la plupart des membres de notre société veulent s'en montrer dignes. Malheureusement les conditions de l'activité professionnelle ne mettent pas les salariés en capacité d'avoir un sentiment de fierté, de satisfaction. Dans nombre de cas, ils sont confrontés à des conflits éthiques. Pour atteindre leurs objectifs, il leur faut souvent rogner sur la qualité de ce qu'ils font", estime la sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS qui a travaillé sur l’évolution du travail dans la société.
Beaucoup de jeunes aujourd'hui pensent différemment de leurs parents. "Ils ne renoncent pas au travail mais changent de travail pour qu'il corresponde à leurs valeurs", explique Danièle Linhart. Par exemple, il y a trois semaines, huit jeunes diplômés d’AgroParisTech, donc ingénieurs agronomes, ont dénoncé "les ravages sociaux et écologiques en cours". Ils ont appelé leurs camarades durant la cérémonie de remise des diplômes à déserter les voies qui leur étaient toutes tracées dans l’agro-industrie.
"Une certaine catégorie de jeunes, notamment ceux qui ont pu bénéficier de formations prestigieuses commencent à regarder le travail sous un angle plus écologique et se posent la question de faire des choses dont ils puissent être fiers mais qui soient délétères du point de vue de la préservation des ressources de notre planète", analyse la sociologue.
Selon elle, notre rapport au travail ne s’est pas affaibli. Il a pris encore plus d’importance. Les personnes, en particulier les mieux dotées socialement et économiquement, espèrent désormais mettre des principes dans leur emploi. "Il y a une exacerbation de ce sentiment de vouloir se réaliser dans le travail, de faire des choses dont on puisse être fier", affirme Danièle Linhart.
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