Il n’y aura donc pas de plan Borloo pour les banlieues a annoncé le président de la République hier. L’intitulé du rapport remis par Jean-Louis Borloo annonçait la couleur : « Vivre ensemble, vivre en grand la république, pour une réconciliation nationale » mais hier, c’était un enterrement de première classe. Nos voilà donc revenus au discours de Tourcoing de novembre dernier lorsque Emmanuel Macron en appelait à la « mobilisation nationale ». Jean-Louis Borloo parlait de « jeunesse sacrifiée » , « relégation » , « abandon ». Je crois qu’il n’a pas tort et c’est d’autant plus rageant que la moyenne d’âge de ces territoires est jeune !
Emmanuel Macron a appelé à changer de méthode. Pour vous, il faut plutôt changer de regard. Il faut arrêter d’avoir peur des jeunes de banlieues, arrêter de les considérer comme un poids, de ne voir qu’une zone de non-droit peuplée de jeunes paresseux et sans ambition. Dites à un jeune que vous lui faites confiance pour réussir, alors il réussira. Dites à un jeune qu’il est bon à rien, et alors il perdra espoir.
La semaine dernière, les Echos publiaient un dossier montrant que le scoutisme était un atout pour la vie professionnelle. Passer par le scoutisme vous rend plus autonome, plus créatif, plus agile, plus apte à travailler en équipe … C’est une bonne nouvelle si on considère que le scoutisme, ouvert à tous, est une chance offerte à ceux qui ne rentrent pas dans les cases du système scolaire. C’est par contre une très mauvaise nouvelle si cela consiste à s’embaucher entre scouts, à maintenir une caste sociale favorisée.
Je vous ai raconté l’histoire du premier camp scout de l’histoire, sur l’île de Brownsea, avec 10 jeunes des quartiers et 10 jeunes de la bourgeoisie. Et bien, je vais vous raconter aujourd’hui l’histoire pas très glorieuse du deuxième camp scout, en 1908, le camp de Humshaugh. Tout commence par une annonce dans le premier numéro du magazine The Scout, créé dans la foulée du succès du camp de Brownsea et du livre « scouting for boys » de Baden-Powell. Chaque numéro du magazine comportait un bulletin de vote à renvoyer avec le nom d'un scout désigné pour aller au camp. Une sorte de grande élection censitaire donc puisqu’il fallait acheter le magazine, et excellente opération commerciale au passage. Et forcément, les 30 heureux vainqueurs sont ceux qui ont pu acheter des milliers d’exemplaires du magazine, ceux qui étaient « populaires », et on sait ce que ça veut dire « être populaire » quand on est adolescent. Le gagnant du concours a renvoyé 29.000 soutiens ! L’histoire dit que Baden-Powell était fou furieux quand il a découvert ce concours.
Et pourquoi je vous raconte cette histoire ? Parce que très vite, une bonne idée peut être accaparée par les plus aisés, par ceux qui ont accès à l’information, par ceux qui ont les bons réseaux.
Et c’est bien ce dont souffrent aujourd’hui les jeunes des quartiers abandonnés par la République. Et c’est bien pour cela que le scoutisme doit d’abord être une chance pour eux et non pas pour ceux qui ont déjà toutes les chances.
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