C’est une histoire qui a fait réagir dans tous les camps politiques. Alors que la maire de Poitiers Léonore Moncond'huy annonçait que ses indemnités allaient être suspendues pendant son congé maternité, une élue lyonnaise dénonce dans une tribune l’invisibilisation de la parentalité des élus. Il n'existe pas de cadre juridique pour accompagner les futurs parents qui exercent un mandat électoral à plein temps. Deux propositions de loi, pour créer un statut de l'élu local, sont en cours d'examen.
En février dernier, la maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy annonçait prendre un congé maternité. Jusque-là rien d’étonnant, un situation même plutôt banale. Mais une maire qui devient mère soulève un problème de taille : il n'existe pas de cadre juridique pour accompagner les congés maternité, paternité ou d'adoption des élus locaux qui exercent leur mandat à plein temps. « L’élu ne bénéficie pas des droits du maintien aux revenus. Ce qui crée une inégalité avec ce qu’il se passe dans le secteur privé. Puisque dans le privé on a des indemnités maladies avec une compensation qui est faite par l’employeur. Les collectivités n’ont pas la capacité de compenser donc ça veut dire que les élus perdent une partie importante de leurs revenus », clarifie Reine Lépinay, co-présidente du réseau Elles Aussi qui lutte pour la parité dans les instances politiques.
Suspensions des indemnités de mandat mais maintien des responsabilités. Autre angle mort, il n'existe pas de dispositif pour encadrer l'intérim pendant l’absence du titulaire. Dans le cas de la maire de Poitiers, sa première adjointe n'a pas pu être libérée par son employeur.
Cette absence de cadre légal constitue un frein à l’engagement des femmes au sein des mandats locaux, analyse Reine Lépinay, surtout que « cette année nous allons fêter les 80 ans d’éligibilité des femmes. Il aurait été logique en 80 ans de réfléchir au fait qu’une carrière politique peut être interrompue pour profiter pleinement de l’arrivée d’un enfant. On voit bien que le fonctionnement à été pensé par les hommes et pour les hommes. C’est d’ailleurs pour ça qu’aujourd’hui 60 % des parlementaires sont des hommes et que 80 % des maires sont aussi des hommes ».
Le Sénat s’est emparé récemment de la question puisqu'une proposition de loi a été adoptée à l'unanimité le 7 mars dernier, pour créer un statut de l'élu local. Il prend en compte l'accompagnement du congé maternité, paternité et d'adoption. Pour Chloë Vidal, adjointe au maire de Lyon déléguée à la démocratie locale, cela représente une grande avancée. C'est elle qui avait lancé, début mars, une tribune dans le quotidien Le Monde pour alerter sur la situation des élus nouvellement parents. Mais il faudrait aller plus loin comme « reconnaître pour les maires élus qui allaitent leurs enfants, des temps d’allaitement lors des assemblés délibérantes comme les conseils municipaux qui peuvent durer 10 heures. Ça existe déjà dans certaines entreprises. On a la possibilité de faire bouger les choses », précise-t-elle.
Faire bouger les lignes sur la parentalité, une volonté que la ville de Lyon exprime déjà depuis quelques années. En 2021, le maire Grégory Doucet avait lui-même pris un congé paternité de onze jours. Une première pour un maire de Lyon dans l’exercice de son mandat. Bien plus qu’un symbole puisque, deux ans plus tard, en 2023, la mairie de Lyon a adopté le congé paternité de dix mois pour les agents qui travaillent à la ville de Lyon. Une première en France dans une collectivité locale. Disposition qui ne bénéficie pas aux élus. Cependant, pour ces derniers, le mandat des Verts constitue, selon Chloë Vidal, un cadre accueillant pour les jeunes parents. « Lorsque Gregory Doucet, le maire de Lyon, m’a proposé de devenir son adjointe en cas de victoire, j'étais enceinte de mon premier enfant et je pensais que c’était assez improbable d’accéder à ce poste en étant une très jeune maman. Il m’a alors dit que si nous n’étions pas capables de mettre en place un dispositif sécurisant pour accompagner un jeune élu qui accueille son enfant, ça ne valait pas la peine qu’on se lance », se souvient-elle.
Pour Chloë Vidal, la situation de la maire de Poitiers a été un déclencheur. Sa tribune a reçu un large soutien de personnalités et d'élus politiques.
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