Douze personnes sont mortes au large des côtes françaises mardi dernier en tentant de rejoindre l’Angleterre. Un nouveau drame qui porte à 34 le nombre de décès recensés dans la Manche depuis janvier. L’année 2024 devient ainsi la plus meurtrière depuis le début des traversées en bateaux de fortune dans cette zone. Pourquoi cette augmentation tragique ? Explications de Virginie Guiraudon, directrice de recherche au CNRS et membre du Centre d’études européennes de Sciences Po Paris, spécialiste des questions migratoires.
Le mardi 6 septembre, douze personnes ont péri au large de Boulogne-sur-Mer lors du naufrage de leur embarcation alors qu’elles tentaient de rejoindre l’Angleterre. Avec ce drame, 2024 devient l’année la plus meurtrière dans la Manche, depuis que les traversées en bateaux de fortune ont commencé à être recensées en 2018.
Les autorités françaises et anglaises ont considérablement renforcé la surveillance de leur frontière commune, à la fois en termes de technologie et de personnel. Cela a rendu très difficile pour les migrants d’emprunter l'Eurotunnel ou le port de Calais, souligne Virginie Guiraudon. La directrice de recherche au CNRS ajoute que "le Covid-19 en 2020, ainsi que le Brexit, ont ralenti et parfois bloqué le passage par Calais. Cela a entraîné une plus forte utilisation des bateaux de fortune par les passeurs." À la fin de l’année dernière, les autorités britanniques ont recensé 29 000 migrants ayant emprunté cette voie. Cette année, elles en ont déjà compté 20 000.
le Covid-19 en 2020, ainsi que le Brexit, ont ralenti et parfois bloqué le passage par Calais. Cela a entraîné une plus forte utilisation des bateaux de fortune par les passeurs.
Selon Virginie Guiraudon, les accidents se multiplient en raison d'une forte augmentation du nombre de personnes embarquées sur chaque bateau. "En un ou deux ans, le nombre de personnes à bord est passé de 40 à 80. Cela représente trois personnes par mètre carré, ce qui rend la viabilité de ces embarcations pneumatiques très difficile." Pour éviter l’interception par les autorités maritimes, les passeurs envoient plusieurs bateaux en même temps, rendant plus compliquées les interventions de sauvetage en cas de détresse de plusieurs embarcations simultanément, analyse la chercheuse.
Virginie Guiraudon déplore également le manque d'investissement judiciaire concernant la question des passeurs. Les rares enquêtes ayant abouti montrent que "les passeurs qui organisent ce trafic ne se trouvent pas sur les bateaux ; ils délèguent ce rôle. Ce sont des hommes situés en Turquie, aux Pays-Bas, en Belgique et à Calais. Cela révèle l'existence d'une organisation transnationale."
les passeurs qui organisent ce trafic ne se trouvent pas sur les bateaux ; ils délèguent ce rôle. Ce sont des hommes situés en Turquie, aux Pays-Bas, en Belgique et à Calais. Cela révèle l'existence d'une organisation transnationale.
La spécialiste des questions migratoires explique que ce mode opératoire existe depuis plus de 25 ans. Deux catégories de migrants arrivent jusqu'à Calais. "Par exemple, les Vietnamiens contractent un prêt dans leur pays qu'ils doivent rembourser en travaillant une fois arrivés en Angleterre." L’autre catégorie, comme les Érythréens, a près de 99 % de chances d’obtenir l’asile en Angleterre. "Ceux qui arrivent à Calais ont souvent été soutenus financièrement par leur famille tout au long de leur périple", explique-t-elle. Virginie Guiraudon souligne enfin que "les migrants qui cherchent à atteindre l’Angleterre sont très déterminés, car ils ont déjà traversé la France et l’Italie, où ils ont souvent été mal accueillis. C’est pour eux la dernière chance de rejoindre l’Angleterre."
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