« Ramdam sur le macadam ». Voilà le mot d’ordre de la nouvelle mobilisation contre l’autoroute A69, censée relier Toulouse à Castres. Une mobilisation qui intervient en réaction à l’annonce du ministre des transports lundi qui a assuré que « le projet [irait] jusqu’à son terme ». Cinq questions pour comprendre les enjeux autour de cette construction.
La lutte contre le projet de construction de l’A69 a gagné en visibilité depuis la grève de la faim puis celle de la soif d’un des opposants, Thomas Brail, devenu la figure médiatique du mouvement. Malgré cette contestation, l’État a promis que le projet “irait jusqu'à son terme”. Les travaux ont repris lundi 16 octobre. Ce week-end du 21 et 22 octobre, des militants de toute la France doivent converger en Occitanie pour une large mobilisation.
Il prévoit la construction d’une autoroute 2x2 voies longue de 53 kilomètres, dont 44 de tracé neuf et deux aires de repos. Il doit notamment relier Castres et Toulouse dans le Tarn et la Haute-Garonne. Cette nouvelle voie doit traverser 24 communes et devrait pouvoir être opérationnelle à la fin de l’année 2025.
Ce chantier est dans les tiroirs depuis 50 ans et c’est en 2010 que la construction est finalement décidée. Le coût total de l’autoroute est chiffré à 450 millions d'euros, dont 23 millions d’euros d’argent public.
L’objectif affiché par les défenseurs du projet, dont Carole Delga, présidente socialiste de la région Occitanie, est le désenclavement du département du Tarn. “L’A69 dessert un territoire complètement enclavé, qui ne dispose pas d’une liaison correcte vers la métropole régionale, Toulouse” plaide le sénateur centriste du Tarn, Philippe Bonnecarrère, favorable à cette autoroute, qu’il juge nécessaire pour permettre aux habitants de travailler correctement.
Construire une autoroute en parallèle d’une route nationale 126 qui n’est pas saturée, c’est inutile
Un argument qui ne passe pas chez les opposants au projet, principalement en raison d’une route nationale, la 126, déjà existante et parallèle au tracé de l’autoroute. Or, les écologistes assurent que cette route est aujourd’hui sous-exploitée. “Construire une autoroute en parallèle d’une route nationale 126 qui accueille en moyenne 8 000 véhicules jours et qui n’est pas saturée, c’est inutile” s’emporte Thomas Digard du collectif La voie est libre.
L’autoroute doit également faire gagner du temps aux automobilistes entre Castres et Toulouse. Un gain estimé entre 15 et 20 minutes sur un trajet d’1h30. Sauf que l’aller-retour devrait coûter environ 17 euros soit 16 centimes du kilomètre, ce qui en ferait l’un des tronçons le plus cher de France. “On ne peut pas parler de justice sociale” estime Thomas Digard.
Ce qui interpelle également, c’est que les élus locaux ne font pas front commun derrière le projet. L’A69 divise les édiles. Laurent Ferlicot, par exemple, est maire de la commune de Loubens-Lauragais, situé à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de la future autoroute. Il dénonce un projet antinomique. “Quelle est la pertinence de construire et de bétonner des hectares de terres agricoles fertiles alors qu’on prône le circuit court, le consommer local et que nos agriculteurs disparaissent déjà tous les jours ?” s’interroge-t-il. Laurent Ferlicot craint également l’installation des usines à goudron à côté de son village.
Outre les riverains et les élus locaux, les écologistes se sont saisis du sujet, critiquant l’artificialisation des sols de 420 hectares et la disparition possible de plus de 1000 arbres, parfois centenaires. La lutte a d’ailleurs pris son essor dans les arbres avec des militants s’installant, à Paris en face du ministère de l'Écologie, ou sur le trajet du projet, dans des hamacs attachés au sommet de platanes. Un sit-in d'écureuils pour dénoncer un projet anachronique.
Les zones humides sont restaurées et compensées
Face aux critiques, le concessionnaire Atosca a proposé des mesures de compensation en replantant notamment cinq fois plus d’arbres que ceux qui sont coupés. Philippe Bonnecarrère ajoute que “c’est un chantier où les zones humides sont restaurées et compensées”. Une logique de compensation environnementale critiquée par les écologistes, les opposants et les scientifiques.
Le camp des opposants a reçu le soutien d'un collectif de 1 500 scientifiques, dont des experts du Giec. Ils ont publié une tribune assurant que "l'A69 était un de ces projets auxquels il fallait renoncer". Parmi les études, il y a celle du collectif Atécopol qui regroupe 200 scientifiques de la région toulousaine.
“Avec le réchauffement et la sécheresse, les arbres replantés ne survivent pas tous et il y a aussi un manque de plants disponibles” avance Laure Vieu chercheuse au CNRS et membre du collectif. De plus, l’approche arithmétique de 5 contre 1 ne tient pas vraiment en termes d’environnement. “Cinq petits arbres ne vont pas jouer le même rôle qu'un grand arbre mature” explique la chercheuse.
Cinq petits arbres ne vont pas jouer le même rôle qu'un grand arbre mature
“Les grands arbres vont héberger de la petite faune, maintenir des micro-climats, stocker davantage de carbone ou enfin contribuer au système hydrologique puisque les systèmes racinaires des vieux arbres permettent à l’eau de pénétrer contrairement aux racines des petits arbres” énumère-t-elle.
“Nous sommes convaincus qu’il est encore possible de stopper le projet même s’il est déjà lancé” veut croire Thomas Digard. Un recours en justice porté par 14 co-requérants a été déposé sur le fond. “On espère qu’il sera jugé le plus rapidement possible.”
Thomas Brail et sa grève de la soif sont parvenus à stopper les travaux le temps de convoquer une réunion de dialogue entre les différents acteurs qui a eu lieu vendredi 13 octobre. "Une très large majorité des élus locaux, représentants légitimes du territoire dans notre démocratie, a réaffirmé sans ambiguïté son soutien à l'autoroute", selon le ministère. Les opposants, dont le collectif La Voie est Libre, dénoncent “une mascarade”.
La gronde populaire est donc appelée à se faire entendre ce samedi et dimanche 21 et 22 octobre, pour réclamer l’arrêt du chantier, une expertise indépendante et une consultation populaire.
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