C'est le dernier jour de campagne pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Elle s'achève ce vendredi à minuit et aura duré deux semaines depuis le premier tour. 15 jours durant lesquels les candidats ont évolué sur certains propositions pour tenter de séduire plus largement les électeurs.
Souvenez-vous, dès le lendemain du premier tour, les deux candidats s’affrontaient par déplacements interposés sur la question des retraites. Ils défendent chacun une réforme différente du système. Marine Le Pen veut instaurer un départ à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant l’âge de 20 ans et cotisé pendant 40 ans. Elle s’oppose à tout allongement de cet âge légal de départ.
À l’inverse, Emmanuel Macron promet de reculer le départ à la retraite de 62 ans aujourd’hui à 65 ans. Une réforme déjà très contestée durant son quinquennat et qui n’a pas pu être menée à cause de la crise du Covid-19. En vue du second tour, le président-candidat s’est montré ouvert à des discussions et notamment un âge de départ fixé plutôt à 64 ans.
Sur le calcul de l’allocation adulte handicapé (AAH), Emmanuel Macron change aussi d'avis. Il était jusqu’alors opposé à un changement de calcul. Cette aide est versée en fonction des revenus des personnes handicapées mais aussi de leur conjoint. Le candidat a indiqué qu’il allait "bouger" sur le sujet, en proposant de déconjugaliser l’allocation. Pourtant, sa propre majorité avait refusé de voter la mesure durant le quinquennat. Emmanuel Macron a aussi évolué sur la question de la proportionnelle dont il voulait d’abord instaurer une dose aux élections législatives. Il n’exclut désormais pas une proportionnelle intégrale.
Son adversaire, Marine Le Pen, a elle aussi évolué sur certaines positions, en particulier sur l’interdiction du port du voile dans l'espace public. Elle en avait fait depuis des années une priorité, avec une contravention prévue pour les personnes qui portent le foulard. Mais après avoir été interpellée par une femme voilée lors d’un déplacement en Eure-et-Loir, la candidate affirme que le sujet sera finalement discuté au Parlement si elle est élue.
Un autre sujet sur lequel la candidate du Rassemblement national semble avoir reculé : la peine de mort. Elle promettait jusqu’alors un referendum sur le sujet. Elle ne le fera finalement pas, affirmant d’elle-même que c’est anticonstitutionnel.
Les deux candidats se montrent plus souples sur certaines positions pour conquérir des voix ailleurs, comme à gauche celles de Jean-Luc Mélenchon qui a obtenu 22 % des voix au premier tour. On a entendu Emmanuel Macron se positionner sur l’écologie, Marine Le Pen sur le pouvoir d’achat. "Il s’agit après un premier tour qui a rassemblé son propre camp d’élargir sa base électorale en vue de l’emporter au second tour et donc de tenir compte des autres offres politiques qui se sont manifestées au premier tour", explique Arnaud Benedetti, professeur associé à l’Université Paris-Sorbonne et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire.
Des changements de posture qui peuvent brouiller les pistes et poussent certains à s'interroger : "Marine Le Pen est-elle d’extrême droite ?" Elle s’en défend d’ailleurs. "Ce qui change c’est qu’elle n’est plus seulement d’extrême-droite ni l’héritière du Front national, analyse Erwan Lecoeur, politologue spécialiste de l'extrême-droite. Elle est encore cela et si vous regardez le programme du Rassemblement national, il reste des choses qui sont là depuis les années 1980-1990 : la préférence nationale, la possibilité de revenir sur la peine de mort. Mais elle y ajoute un certain nombre d’éléments beaucoup plus populaires et populistes qui sont capables de montrer qu’elle a une nouvelle façon de voir le monde, que l’Etat peut devenir protecteur, social. Marine Le Pen tente un grand écart que jamais le FN n’avait tenté jusque-là mais cela fait aussi que sur un certain nombre de sujets, elle ne maîtrise pas totalement les choses."
Toutefois, cette stratégie peut être relativement risquée. "Jusqu’à quel point vous faites ça par conviction ou opportunisme ? C’est une question qui se pose mécaniquement, celle de la sincérité. Quand on regarde les études d’opinion, on se rend compte que l’un des principaux griefs fait à la classe politique c’est d’être insincère. Le fait de bouger sur une certain nombre de sujets dans une séquence aussi rapide et dans une élection, ça peut nourrir ce soupçon”, ajoute Arnaud Benedetti.
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