C’est l’un des grands enseignements de la victoire d’Emmanuel Macron dimanche soir : le score de l’extrême droite n’a jamais été si élevé au second tour de l’élection présidentielle. Marine Le Pen a réuni 41,46 % des suffrages. La candidate du Rassemblement national s’est imposée dans de nombreuses zones rurales, laissant le sentiment d’une France coupée en deux.
"Il faut bien qu'il écoute les gens qui n'ont pas voté pour lui. Il faut aider les gens qui ont des difficultés à arrondir les fins de mois et penser un peu aux régions, aux gens de la campagne qui n'ont pas le même niveau de transports ou de médecins." Quelques minutes après la victoire d'Emmanuel Macron célébrée sur le Champ de Mars à Paris, David est heureux mais réaliste. Ce militant "En Marche" sait déjà que le quinquennat qui s'ouvre sera difficile pour le président réélu et que les divisions françaises sont fortes.
Au lendemain du second tour, les cartes de la France parlent d’elles-mêmes. Emmanuel Macron est arrivé en tête dans les grandes villes, et dans certaines régions comme la Bretagne, l’Île-de-France ou des zones comme les Alpes et le Pays Basque. À l’inverse, Marine Le Pen est arrivée en tête dans les régions rurales ou qui font face à une importante désindustrialisation, souvent très pauvres, notamment dans le nord du pays et dans l’est. C’est un vote qui a gagné beaucoup de terrain si l’on compare avec les résultats de l'élection de 2017.
Des électeurs donc très différents. Ceux de Marine Le Pen vivent majoritairement à la campagne. Elle a remporté le plus de voix dans les communes de moins de 5000 habitants. "Ce sont des gens qui vivent en zone rurale et travaillent dans une petite ville, dans l'industrie ou les services et qui ont été particulièrement sensible aux questions du prix du carburant et de l'énergie", détaille Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite. Par ailleurs, "une variable importante émerge : c'est la question "Êtes-vous satisfait de votre vie ?" Il y a des études très intéressantes qui montrent que l'électorat d'Emmanuel Macron est plutôt satisfait de sa vie. Celui de Marine Le Pen est très majoritairement composé de gens qui ne sont pas satisfaits de leur vie", poursuit le co-directeur de l’Observatoire des radicalités politiques.
Si le vote Rassemblement national est croissant, beaucoup l'attribuent au quinquennat d'Emmanuel Macron, un président qui a très vite été taxé de président des riches. Plusieurs crises ont marqué son mandat, celle des "gilets jaunes" et du Covid-19. "Incontestablement, il y a une somme de mécontentements qui tient à la politique qui a été menée et au ressenti de l'attitude du président, cette sensation qu'une partie des Français a d'être méprisé. Il y a un déficit d'empathie assez frappant", commente Jean-Yves Camus.
Un vote anti-Macron très visible aussi dans les Outre-mer, où les électeurs ont voté majoritairement pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour, le candidat de la France insoumise. Marine Le Pen a récolté 69,6 % des voix en Guadeloupe, 60,9 % en Martinique, 60,7 % en Guyane.
Pourtant, il y a des catégories de population qui échappent encore au Rassemblement national. Les électeurs vivant dans les grandes villes ont voté presque toutes voté en majorité pour Emmanuel Macron. Il a conquis également le vote des cadres. Concernant les classes d’âges, le président a performé chez les 18-24 ans mais aussi chez les retraités, les plus de 70 ans. Marine Le Pen quant à elle a séduit les 24-35 ans.
"Elle a progressé, mais par exemple par rapport à Jean-Luc Mélenchon elle n'a pas réussi à être le premier vote chez les jeunes. Il lui manque des cases à Marine Le Pen pour l'emporter. Le vote des villes lui échappe, des retraités. Les plus de 60 ans ont voté pour Emmanuel Macron", pointe le politologue Romain Pasquier, invité de notre édition spéciale dimanche soir sur RCF.
Après cette défaite, Marine Le Pen se projette donc déjà sur l’échéance des législatives au mois de juin. La candidate du Rassemblement national entend désormais devenir leader de l’opposition. "Marine Le Pen a gagné encore plus de points pour apparaître comme la principale opposante à Emmanuel Macron. Elle a Eric Zemmour qui voudrait faire croire que la défaite est due à l'image de Marine Le Pen ce qui est faux puisque Eric Zemmour a fait un score bien moindre au nom de la droite radicale. Il y a un espace pour un populisme nationaliste. Pour le moment, elle va conserver la main pour être la cheffe de file de cette famille politique", affirme Erwan Lecoeur, politologue spécialiste de l’extrême-droite.
Eric Zemmour a tendu la main lundi à Marine Le Pen pour une alliance. Le Rassemblement national rejette pour l’heure toute alliance avec "Reconquête !" pour les législatives.
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