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Production d’énergie à la ferme : quelles possibilités et à quel prix ?

Un article rédigé par Bénédicte Buisson - RCF Calvados-Manche, le 20 avril 2024 - Modifié le 22 avril 2024
L'agriculture en question(s)Produire de l'énergie à la ferme : potentiel et limites

La production d'énergies renouvelables est une opportunité pour le monde agricole, à l'heure de la transition énergétique et dans un contexte de hausse des prix. Analyse des différents modes de production dans la Manche.

 

Le GAEC Hulmer a une unité de méthanisation en fonctionnement depuis 2019 ©RCF MancheLe GAEC Hulmer a une unité de méthanisation en fonctionnement depuis 2019 ©RCF Manche

Méthanisation, photovoltaïque, bois plaquette, les possibilités de production d’énergie à la ferme sont diverses. Le secteur agricole assure déjà 20 % de la production d'énergies renouvelables en France, soit 3,5 % de la production nationale d'énergie. Dans le GIEE énergie de la Manche, neuf agriculteurs réfléchissent ensemble sur cette thématique, motivés en premier lieu par des raisons économiques (ndlr : les GIEE sont des collectifs d'agriculteurs reconnus par l'État, engagés sur des projets agro-écologiques). Benoît Hulmer en fait partie. Il a lancé en 2019 une unité de méthanisation sur sa ferme à Hauteville-la-Guichard. « Notre première motivation était de diversifier nos revenus. L’élevage laitier n’a pas de garantie de revenu, il y a des charges de plus en plus élevées et la valorisation de notre lait est incertaine. Avec notre unité de méthanisation, on a un prix garanti sur une vingtaine d'années, cela rassure notre banquier. »

Méthanisation : le développement des unités en injection


La Normandie compte aujourd’hui près de 200 unités de méthanisation, un procédé permettant de produire du gaz renouvelable à partir de déchets organiques. Les premières unités de méthanisation étaient en cogénération (le biogaz fait fonctionner un moteur qui lui-même produit de l’électricité). Mais désormais, Lionel Mongason, chargé d'affaires transition énergétique au Crédit Agricole, voit davantage de projets en injection (le biogaz est injecté directement dans le réseau de gaz). Autorisée en France depuis 2011, la valorisation en injection est, en effet, nettement plus rentable, même si elle demande un investissement plus important.

« Aujourd’hui, il y a une forte volonté de la part des pouvoirs publics de développer la méthanisation, notamment en injection, pour être plus autonome au niveau du gaz en France. De plus, en 2023, l’État a sorti un nouveau tarif pour le gaz. Plus on met d’effluents d’élevage dans le méthaniseur, plus le tarif est élevé. » Les projets de méthanisation peuvent être subventionnés par la Région jusqu’à 10 % du montant de l’investissement, s’ils respectent des critères spécifiques.

Les invités de la rédaction localeLa méthanisation : un développement controlé en Normandie ?

L’instruction par la Région Normandie des dossiers de financement a repris en mars. Elle avait été suspendue en novembre dernier par Hervé Morin, à la suite de dérives. Des surfaces agricoles, notamment de maïs, se trouvaient détournées de leur destination agricole. Benoît Hulmer rappelle qu’il ne met pas de maïs dans son digesteur. « Je cultive des CIVE (cultures intermédiaires à vocation énergétique). J'utilise du seigle qui passe l'hiver dans mes parcelles, il évite le ruissellement et capte l'azote. Je le mets dans le digesteur l'été, quand j'ai moins de fumier puisque les vaches sont dehors ». Son digesteur est alimenté en majorité par du fumier, du lisier, et des déchets de l’abattoir de Coutances.

Reportage sur l'unité de méthanisation de Benoît Hulmer

Autre avantage de la méthanisation, le digestat sert d’engrais, ce qui permet de diminuer l’achat d’engrais. « On gère mieux l’épandage avec la méthanisation. Avant, on voyait le fumier et le lisier presque comme des déchets, aujourd’hui, on analyse tout ce qui sort du méthaniseur, cela permet une meilleure traçabilité de ce qu’on met dans les champs ».

Il n’en reste pas moins que l’installation d’une unité de méthanisation à un coût non-négligeable, le projet du Gaec Hulmer représente 3 millions d’euros d’investissement sur 15 ans. Sans compter la compétence technique que ces projets exigent. Le photovoltaïque est à la portée d’un plus grand nombre d’agriculteurs.

Le photovoltaïque : un investissement abordable et une auto-consommation possible

Avec ses nombreuses toitures, le secteur agricole a un atout considérable pour les panneaux solaires. « Depuis le choc énergétique et la hausse de l’électricité, on voit beaucoup de projets en autoconsommation, notamment chez les agriculteurs qui ont des robots de traite », explique Lionel Mongason. En effet, les agriculteurs peuvent consommer une partie de leur production et revendre le surplus. Jean-François Laurent, éleveur laitier à Saint-Martin-d'Aubigny, réfléchit à un système de trackers, des appareils montés sur un mât qui suivent le soleil pour augmenter le rendement. Mais il est confronté au problème de raccordement au réseau. 

La question de l’agriphotovoltaisme se pose désormais. Il s’agit de panneaux installés sur les parcelles agricoles. Quelques expérimentations sont déjà en cours en Normandie. Le décret, relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, est paru le 9 avril 2024.

Le bois des haies : une énergie à développer dans la Manche


Premier département bocager de France avec ses 55 000 kilomètres de haies, la Manche a aussi une carte à jouer avec le bois. En 2006, cinq agriculteurs de la Manche, qui souhaitaient utiliser leur bois pour se chauffer et produire de l’eau chaude, ont acheté une déchiqueteuse en commun. Ils ont créé l’association Haiecobois pour commercialiser le bois des haies. Aujourd’hui, 250 agriculteurs de la Manche en font partie, ils produisent du bois pour 54 chaufferies du département, collèges, Ehpad, collectivités. « On voit bien que depuis la crise ukrainienne, les collectivités reviennent vers nous, car le bois est devenu bon marché », explique Jean-François Tapin, vice-président de l’association.

Jean-François Tapin regrette néanmoins le manque de débouchés. « La haie est belle pour les promeneurs, mais son coût d’entretien est important et elle rapporte très peu. Si on veut garder les haies, il faut que cela soit rentable. La haie devrait être vue comme la culture du blé, avec une marge positive pour qu’on ait un intérêt à l’entretenir. » Il s’inquiète du label bois mis en place. « Ce système n’est pas transposable sur les exploitations, ça met un frein au développement des chaufferies. » Sans compter le Pacte en faveur de la haie lancé dernièrement par le gouvernement. « C’est un beau projet, mais nous dans la Manche, on a assez de haies. Dans ce pacte, il n’y a pas de fonds orientés vers l’entretien des haies déjà existantes. On a été vertueux dans la Manche et ceux qui ont détruit leurs haies vont recevoir de l’argent pour en replanter. »

©RCF Manche

Économie d’énergie : quelles pistes pour moins consommer ?

La meilleure énergie étant toujours celle que l’on ne consomme pas, le GIEE travaille également aux économies d’énergie. « En ce qui concerne l’énergie fossile, on a passé tous nos tracteurs au banc d’essai pour voir les consommations de carburant, pour vérifier s’ils étaient bien réglés », explique Jean-François Laurent, le président du GIEE énergie.

Autre thématique sur laquelle le collectif a travaillé : la manière de refroidir le lait, un poste de dépense très important. « On a tous monté des pré-refroidisseurs à lait, qui nous permettent de refroidir de 35 à 17 degrés. Cela fonctionne avec de l’eau consommée ensuite par les bovins. Cela a un coût, mais c’est très vite rentabilisé, il faudrait presque que cela devienne obligatoire », explique Jean-François Laurent. Jean-François Tapin a en plus installé un chauffe-eau thermodynamique. « On prend l’air chaud de l’extérieur pour chauffer l’eau jusqu’à 55 degrés. »

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