Depuis le 19 avril dernier près d'un milliard d'Indiens sont appelés aux urnes pour les plus grandes élections législatives de l'histoire. Le vote s’étale sur six semaines. Le parti du Premier ministre Narendra Modi sortant est le grand favori du scrutin. Un scrutin suivi de très près par les chrétiens du pays.
Plus d'un milliard d'indiens votent depuis le 19 avril 2024 dans le cadre d'élections législatives. Un scrutin sans grand suspense. A 73 ans, Narendra Modi, le Premier ministre actuel, est bien parti pour rester à la tête du gouvernement. En cas de victoire, ce sera son troisième mandat consécutif.
La réélection de Narendra Modi, une perspective inquiétante pour les minorités du pays, en particulier les chrétiens. C'est la troisième religion après l'hindouisme et l'islam. Ils sont 70 millions dans le pays, c'est 5% de la population. Pour Guillaume Guennec le Directeur du plaidoyer de Portes Ouvertes, une ONG chrétienne qui défend les chrétiens persécutés, “Ces chrétiens sont répartis de manière inégale dans les différents États de l'Inde. Dans le Nord-Est, il y a une majorité de chrétiens historiques, notamment les églises malabares. Dans le sud de l'Inde, il y a également des chrétiens. Les États centraux de l'Inde sont en revanche des places fortes de l'hindouisme. Et là, les chrétiens sont vraiment une extrême minorité. Le paysage est donc très contrasté et les chrétiens ne vont pas vivre la même chose selon les Etats dans lesquels ils se trouvent." Le directeur du plaidoyer de Portes ouvertes ajoute "qu'un certain nombre de chrétiens sont des hindous qui vont devenir chrétiens suite à une expérience personnelle de conversion. Ce sont ces chrétiens qui sont les plus persécutés. La société est de plus en plus intolérante à leur égard”.
Il faut ajouter à toutes ces raisons le fait que la plupart des chrétiens sont issus des Dalits, les Intouchables, ils sont à ce titre considérés comme inférieurs, car en dehors du système des castes.
Les agressions, intimidations et autres violences à l'égard des chrétiens trouvent d'abord leur fondement dans la montée croissante du nationalisme hindou. Pour Guillaume Guennec, "ce que l’on appelle l’Hindutva, c’est à dire l'Inde aux hindous est une idéologie qui date d'il y a quasiment un siècle. "Cette idéologie", précise le directeur du plaidoyer de Portes Ouvertes "est née en réaction à la présence britannique a pris de l'ampleur dans les années 90 avec des actions extrêmement violentes. Un missionnaire chrétien australien a par exemple été brûlé vif dans sa voiture, il y a eu des émeutes à Odisha dans les années 2000, et il y a tout un réseau de milices. Le Nationaliste hindou compte peut-être un million de membres et diffuse cette idéologie que l'unité de l'Inde tient dans l'hindouisme. Et si ils ont particulièrement dans le collimateur l'islam et le christianisme", explique Guillaume Guennec, "c'est parce que ce sont des religions étrangères, et parce que, selon eux, cela remet en question l'unité de l'Inde. "L'impact de la diffusion de cette idéologie entraîne des violences contre les musulmans et contre les chrétiens. Par exemple, lorsque des chrétiens se réunissent. dans leur église, pour un culte ou une cérémonie, les nationalistes hindous arrivent et passent tout le monde à tabac. Certains vont détruire l'église."
Depuis l'arrivée au pouvoir il y a dix ans, du BGP, le parti nationaliste hindou dirigé par Narendra Modi, les violences antichrétiennes ne cessent de s'intensifier. Il y a une vague d'États qui adoptent progressivement des lois anti-conversion. Le fondement de ces lois, c'est d'interdire les conversions forcées. Pour Guillaume Guennec, “Tout le monde est d'accord, personne ne devrait être forcé à choisir telle ou telle religion. Sauf qu’en réalité la définition du mot forcé est flou. C’est la personne accusée de conversion forcée qui doit prouver qu'elle n'a forcé personne à se convertir.” Et en fait, "ce sont des lois qui sont vraiment utilisées pour interrompre les cérémonies religieuses, pour fermer les églises, pour mettre les pasteurs en prison. Cela encourage ce climat d'intolérance.”
Discrimination, banalisation de lois anti-conversion, actes de vandalisme visant des lieux de culte, la pression à l'égard des chrétiens est forte en Inde. Des chrétiens inquiets du sort qui leur sera réservé à l'avenir, avec le probable maintien au pouvoir du parti de Narendra Modi.
Guillaume Guennec en est persuadé “Les chrétiens en Inde sont actuellement en prière pour ces élections.”
Les chrétiens craignent l'adoption d'une loi anti-conversion à l'échelle nationale. Pour le moment, 11 États sur 28 ont adopté cette loi. S'il y avait une loi à l'échelle nationale, ce serait vraiment un gros coup dur pour les libertés religieuses, pour l'esprit de la Constitution, pour les chrétiens qui sont particulièrement et disproportionnellement visés par ces lois
Selon l'Index mondial des persécutions des chrétiens publié par l'ONG Portes ouvertes, l'Inde est passée de la 28e place en 2014 à la 11e place aujourd'hui des pays où la liberté religieuse est la plus menacée.
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