Le 26 mars dernier s’est déroulé à Rome un événement, qui, s’il n’a pas fait les gros titres de la presse, a suscité l'intérêt de ceux qui sont attentifs à la vie de l'Église catholique, et en particulier à la place des femmes au sein de cette Église. Cet événement, c’est la publication d'une lettre ouverte au pape François annonçant la démission en bloc des 10 rédactrices de Femmes Église Monde, le supplément féminin de L'Osservatore Romano, l’organe de presse du Vatican. "Nous jetons l'éponge parce que nous nous sentons entourées par un climat de méfiance et de délégitimation progressive", écrivait Lucetta Scaraffia, la directrice et fondatrice du mensuel, qui affirmait également que les femmes sont très mal considérées au sein du Vatican. Une affirmation qui témoigne des résistances importantes à la volonté d’ouverture du pape François qui avait indiqué souhaiter "une présence féminine plus incisive" dans l'Église.
Et pourtant, dans l'Église catholique, des femmes sont théologiennes, d’autres ont des responsabilités au sein des diocèses ou des conférences épiscopales nationales et également, un peu, à Rome. Quelle est vraiment la place des femmes aujourd’hui dans l'Église ? Comment y sont-elles considérées ? Que faudrait-il faire changer ? Au micro d'Anne Kerléo, des femmes en responsabilité dans les Églises chrétiennes confient leurs difficultés et aussi leurs sources de joie et de satisfaction. Elles réagissent aux scandales des religieuses agressées sexuellement par des prêtres, révélés notamment par le documentaire diffusé sur Arte.
Vierge et mère : l'image un peu trop pesante de la Vierge Marie. Sylvaine Landrivon ne mâche pas ses mots quand elle décrit un poids que l'Église fait peser sur les femmes, celui de devoir "porter toute l'image féminine". "Ce que je ressens dans l'Eglise catholique c'est que les femmes sont englobées dans une abomination : nous n'existons pas en tant que femmes au même titre que les hommes, on nous parle sans arrêt de LA femme, LA femme qui est sublimée, maternante, dans sa dignité, dans sa pureté, l'idéal étant une vierge mère..."
De son côté, Christine Naline, préfère "parler des laïcs avant de parler des femmes". Pour elle "on se trompe en revendiquant la place de la femme" et les "progrès" qu'il restent à faire concernent plus largement l'accueil des laïcs. Secrétaire générale adjointe de la Conférence des évêques de France depuis juin 2018, elle note : "c'est la première fois qu'une femme occupe un poste pastoral."
Si "toutes les femmes ne subissent pas des horreurs pareilles" dans l'Église, comme le souligne Sylvaine Landrivon, il sera nécessaire de questionner l'abus de pouvoir, "omniprésent et extrêmement dangereux", d'après Christine Naline. "Qu'est-ce qui permet cet abus de pouvoir ? À partir du moment où une personne devient un gourou, ça devient très dangereux." Elle incite chacun à être vigilant.
Sylvaine Landrivon pointe du doigt le vœu d'obéissance et de soumission, qui fait de ces femmes des "femmes dépersonnalisées, infantilisées" et aussi une "culture du silence" qui fait qu'elles n'ont aucun moyen d'en sortir.
"Ce qui me pose énormément de questions, c'est la question de la sacralisation du ministère du prêtre", confie Nicole Fabre, avec émotion et "en toute amitié" avec les catholiques. Une sacralisation qui "met en difficulté les prêtres eux-mêmes". "Le problème est dans le positionnement du prêtre, admet Sylvaine Landrivon, sa situation dans l'Église catholique le met en danger de commettre un abus de pouvoir."
La théologienne qui ne peut s'empêcher de remarquer que l'ouvrage "Mystère et ministères de la femme" de Louis Bouyer vient d'être réédité. "Où il explique à quel point les femmes ne peuvent pas être ordonnées parce que seul un homme peut s'exprimer comme imago christi : ça me fait bondir, jamais aucun argument théologique n'a dit ça !" Comme le dit Nicole Fabre, "la parole dont nous vivons est celle d'un autre, de Dieu lui-même : elle n'est pas plus portée par le ministère pastoral que par le ministère des laïcs".
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !