À trois reprises, les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie ont visité la maison médicale Jeanne-Garnier. Cet établissement d’inspiration chrétienne, dédié à l’accueil des personnes en fin de vie ou gravement malades, est réputé dans le domaine des soins palliatifs. Quelles ont été les réactions de membres de la convention ? Qu'est-ce qui les a touché dans le modèle de soin proposé à Jeanne-Garnier ? Réponses d’Isabelle Lesage, la présidente de l’établissement.
Le 19 février dernier, les trois-quarts des membres de la convention citoyenne sur la fin de vie se sont prononcés en faveur d’une aide active à mourir. Ce vote, on en a beaucoup parlé dans les médias. Mais ce que l’on n’a pas dit, ou très peu, relève Isabelle Lesage, c’est que les membres de la convention "ont voté dès le début que la priorité était au développement des soins palliatifs". La présidente de la maison médicale Jeanne-Garnier précise qu’ils "ont fait une bonne trentaine de recommandations qui vont tout à fait dans le sens de ce que nous recommandons avec la Société française des soins palliatifs".
Depuis près de 150 ans, la maison médicale Jeanne-Garnier, dans le XVe arrondissement de Paris, accueille, soigne et accompagne des patients gravement malades ou en fin de vie. Un établissement que des membres de la convention citoyenne sur la fin de vie ont visité à plusieurs reprises. "Ils ont été extrêmement frappés par le témoignage des équipes soignantes, rapporte la présidente de l’établissement, les jeunes infirmières qui témoignaient à quel point leur métier avait du sens." L’engagement des bénévoles – une centaine - a également "frappé" les membres de la convention citoyenne.
Et aussi "ce supplément d’âme", décrit Isabelle Lesage, "qui règne dans la maison qui fait qu’il y a une facilité, une légèreté dans les relations humaines alors même que les moments sont graves, on pourrait même dire tragiques". À Jeanne-Garnier, l’accueil est "inconditionnel". Le patient est considéré "en tant que personne unique, décrit Isabelle Lesage, en tant que personne qui a son histoire et qui est digne d’être respectée pour elle-même, d’être aimée, d’être soulagée, d’être accompagnée quels que soit son état physique, sa culture, son âge, sa religion, ses options philosophiques…"
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Selon une étude, "neuf malades sur dix renoncent à leur demande d’euthanasie s’ils sont bien soulagé en soins palliatifs", rapporte Isabelle Lesage. L’accès aux soins palliatifs, c’est là qu’est "le vrai problème", estime la présidente de la maison Jeanne-Garnier, qui rappelle qu’en France, "deux malades sur trois qui auraient besoin de soins palliatifs n’y ont pas accès".
Le vote de la convention citoyenne sur la fin de vie est-il le reflet de l’opinion française ? Pour la spécialiste, le personnel soignant "rejette massivement l’idée d’euthanasie et de suicide". Côté patients, "si aujourd’hui des personnes sont dans un parcours de soin très pénible avec une obstination déraisonnable, qu’elles sont isolées et qu’on ne leur propose pas de soins palliatifs, bien sûr qu’il y va y avoir une demande d’euthanasie, une façon de dire je veux reprendre ma vie en main et je veux plus souffrir comme ça !" Cependant, "il y a bien d’autres solutions", maintient la spécialiste. "Dans la quasi-totalité des cas", assure-t-elle, on peut trouver des moyens pour accompagner les personnes et soulager leurs souffrances.
Et ce n'est pas qu'une question de moyens financiers. Car "les soins palliatifs sont relativement peu coûteux comparés à d’autres soins", précise Isabelle Lesage. Les soins palliatifs, "c’est essentiellement de l’humain".
Quand le temps est compté, c’est important un petit plat partagé qu’on aime, une musique, un massage apaisé, et puis les conversations, et puis parfois simplement le fait d’être présent, de tenir une main…
La maison Jeanne-Garnier, qui accueille environ 1300 personnes hospitalisées par an, fait figure de référence dans le domaine. La prise en charge du patient vise d’abord à soulager la douleur, "dans sa totalité". "Cette souffrance, décrit Isabelle Lesage, elle peut être liée à bien d’autres choses que la douleur physique, ça peut être la solitude, le sentiment de ne pas être compris, ça peut être des regrets, des réconciliations qui n’ont pas été menées dans les familles, ça peut être des angoisses importantes par rapport à la mort qui arrive…"
Être attentif à la qualité de la vie quand le temps est compté, c’est le mot d’ordre des équipes, qui se mettent "au pas du patient, ni en avant ni en retard, mais dans son monde", décrit Isabelle Lesage. Et qui s’efforcent de rechercher ce qui apaise le patient, ce qui lui fait plaisir. "Tous les témoignages que nous recevons des familles nous montrent à quel point, dans ces moments-là, quand le temps est compté, c’est important un petit plat partagé qu’on aime, une musique, un massage apaisé, et puis les conversations, et puis parfois simplement le fait d’être présent, de tenir une main…"
Les soins palliatifs, "ce n’est pas du tout le couloir de la mort !" s’exclame Isabelle Lesage. "C’est un lieu où il y a énormément de joie et de sourires et d’éclats de rire. Oui c’est vrai, il y a des émotions, des pleurs, de la tristesse, mais c’est un lieu de vie." Dans ce lieu, d’inspiration chrétienne, on cultive "le sens d’être là, ne jamais renoncer à être là, de toujours être à l’écoute, et aider chacun à aller de l’avant, à être vivant jusqu’au bout. C’est ça l’engagement chrétien de Jeanne-Garnier."
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