Guerre en Ukraine, conflit entre Israël et l'islamisme du Hamas. Derrière ces guerres contemporaines se cache l'ombre du radicalisme religieux. Le patriarche Kirill, proche du président Poutine, a-t-il qualifié de "guerre sainte" le conflit entre Moscou et Kiev ? La guerre de religion, que la doxa croit parfois appartenir au Moyen Âge ou à des temps anciens, peut-elle se conjuguer au présent ? C'est la question que se pose Pierre Conesa, agrégé d’histoire et ancien administrateur civil au ministère de la Défense, dans l’ouvrage Les religions font-elles plus de bien que de mal ?
Le Collège des Bernardins a organisé un débat sur ce sujet avec Rémi Brague, académicien et co-auteur du livre Les religions font-elles plus de bien que de mal ?
La fin du XXe siècle a été marquée par la fin des utopies laïques, remplacées par une nouvelle utopie : le radicalisme religieux, explique Pierre Conesa. "Le XXe siècle, c'était un monde où l’on croyait aux utopies laïques : le fascisme, le nazisme, le communisme, etc. Et face au vide laissé par ces utopies, une nouvelle est apparue aujourd’hui : le radicalisme religieux." L’auteur souligne qu’il utilise le terme les religions car il ne mène pas seulement une réflexion interne au christianisme, mais bien une analyse de la radicalisation dans toutes les traditions religieuses.
Le XXe siècle, c'était un monde où l’on croyait aux utopies laïques : le fascisme, le nazisme, le communisme, etc. Et face au vide laissé par ces utopies, une nouvelle est apparue aujourd’hui : le radicalisme religieux.
Le radicalisme religieux est une idéologie politico-religieuse fondée sur un triptyque : une terre, un peuple, une foi. "Une fois que vous avez réorganisé la planète autour de cela, toutes les minorités revendiquent la révision des frontières et la légitimation de la violence se construit sur un discours de victimisation", déplore Pierre Conesa. Il observe aujourd’hui une poussée de la radicalisation religieuse qui touche également les aires non monothéistes. Le professeur agrégé analyse ce phénomène comme étant lié à l’incapacité des sociétés à offrir aux jeunes quelque chose de palpable. "Pourquoi des jeunes trouvent-ils dans l'islam quelque chose qui semble être une réponse à leur malaise ? Il faut remonter à leur propre malaise. Est-ce dû au chômage, à une hiérarchie sociale dans laquelle ils se sentent exclus ? Je n'en sais rien. On est dans le même processus que pour les utopies laïques : tout à coup, on croit avoir trouvé une solution, une réponse à tout."
Au sein de chaque religion, il existe une forme de radicalisme, explique Pierre Conesa, dès lors qu’un homme prétend avoir eu un contact direct avec Dieu et possède une capacité propagandiste suffisante pour mobiliser une partie de sa communauté. "Ce sont des personnes qui, à chaque fois, ont expliqué une géopolitique comme étant celle que Dieu leur aurait confiée. Il y a toute une géographie mémorielle fondée à la fois sur le passé et sur un principe de mandat divin", explique l’écrivain.
Ce sont des personnes qui, à chaque fois, ont expliqué une géopolitique comme étant celle que Dieu leur aurait confiée. Il y a toute une géographie mémorielle fondée à la fois sur le passé et sur un principe de mandat divin
Pierre Conesa prend l’exemple des projets géopolitiques autour du sionisme. Il rappelle que plusieurs projets avaient été envisagés, notamment en Ouganda et à Madagascar, avant que la Palestine ne soit retenue tardivement. "Le sionisme est effectivement la concrétisation d'une géographie mémorielle : ‘Mes ancêtres étaient là il y a 2 500 ans, donc prenez vos affaires et partez’", explique-t-il. Il alerte sur la capacité des anciennes victimes à devenir des bourreaux. "On est dans cette situation où d’anciennes victimes, au nom de leur histoire passée, massacrent des populations qui n'ont rien à voir avec leur propre drame, en affirmant que cette terre leur a été donnée par Dieu."
Dans son livre, Pierre Conesa affirme que Jésus est, par nature, un non-violent, alors que Mahomet a été un chef de guerre. Il explique que ce statut de Mahomet est notamment dû au contexte dans lequel il a émergé : "Mahomet est un chef de guerre dans une zone marquée par la déliquescence d’empires anciens, et qui va trouver une foi propagandiste par la rapidité de ses victoires." L’écrivain rappelle que la succession de Mahomet s’est également déroulée dans un climat de violence, où les leaders musulmans se sont affrontés et massacrés entre eux.
Il y a un besoin de foi et d’ambition suprahumaine dans cette idée que l’on va enfin trouver la solution à tous les problèmes de l’humanité.
La religion catholique, longtemps associée à une forme d’impérialisme, ainsi que les religions laïques du XXe siècle, ont elles aussi été vecteurs de violence, explique Pierre Conesa. "Il y a un besoin de foi et d’ambition suprahumaine dans cette idée que l’on va enfin trouver la solution à tous les problèmes de l’humanité. Qu'est-ce qui va se passer demain ? Je n'en sais rien. Mais une chose est sûre : nous n’en avons pas terminé avec la guerre de religion."
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