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Rapport du CCNE: "l’éthique est un test pour la démocratie" explique le philosophe Frédéric Worms

RCF,  - Modifié le 6 juin 2018
Le Comité consultatif national d’éthique a publié mardi 5 juin dernier sa synthèse des Etats Généraux de la Bioéthique.

Un texte dense de près de 200 pages qui recense les différentes réflexions, les différentes suggestions émises tant par des particuliers que par des professionnels, sur les questions d’éthique médicale, qui travaillent ou qui devraient travailler notre société. A l’heure où les progrès scientifiques bouleversent notre rapport à la médecine, RCF donne la parole au philosophe Frédéric Worms, enseignant à Normale Sup, spécialiste de l’éthique du soin et membre du CCNE depuis 2013.
 

La double fonction du CCNE

Ce que l’on peut dire, c’est que ces derniers mois ont été particulièrement prenants pour Frédéric Worms. "C’était très important. Cette révision de la loi, tous les sept ans, qui peut surprendre, est en fait absolument nécessaire sur deux plans : les sujets évoluent scientifiquement mais aussi car la société change, et l’extension du débat, la manière dont cela a été fait, a permis de cerner les enjeux de manière claire et cadrée" témoigne le philosophe.

Ce texte publié mardi est un rapport d’étape. Il ne s’agit pas de la version définitive qui sera transmise au gouvernement in fine. Un exercice de voltige, pour que tous les avis soient recensés. "Le Comité d’éthique a maintenant deux fonctions. Il rend des avis consultatifs. Quand il rend des avis, il assume une position qui peut diviser, même au sein de ses membres. Et il a une deuxième fonction, d’organisateur du débat. Il ne faut surtout pas confondre ces deux fonctions" ajoute Frédéric Worms.
 

L'exercice démocratique: concilier des points de vue opposés

Dans la conclusion du rapport d’étape du CCNE, il y a un parallèle entre ce qu’on appelle la démocratie sanitaire et la santé de notre démocratie. "Une démocratie c’est la capacité à concilier des points de vue opposés. L’éthique est un test pour la démocratie. C’est une société capable d’organiser le débat sur les questions les plus brûlantes, sur des questions qui sont potentiellement des causes de déchirement profond. La bioéthique a besoin de la démocratie, et la démocratie doit se mettre à l’épreuve des questions de bioéthique. Nous sommes en train de franchir une étape majeure dans notre démocratie en France" précise le philosophe.

Interrogé dans le Figaro du mercredi 6 juin, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et référent sur les questions de bioéthique à la Conférence des Evêques de France, a souligné que "l’éthique ne se réduit pas à l’égalité des droits et à la non-discrimination". "On ne peut qu’être d’accord avec cela. Aucun principe ne permet de tout régler a priori" analyse encore Frédéric Worms. Ce dernier ajoute que la loi de bioéthique détermine pour chaque sujet, des seuils. "Ce n’est pas tout ou rien. Il y aura toujours, sur chaque sujet complexe, la définition d’un seuil qui n’est pas un compromis vague" lance-t-il encore.

A la lecture du rapport du CCNE, on réalise enfin que le progrès scientifique inquiète, plus qu’il n’enthousiasme. "Il devrait faire les deux. C’est vrai que toute technique a deux facettes. Mais il ne faut pas seulement en avoir peur. Il va falloir les surveiller de très près, qui vont changer profondément nos modes de vie. Il faut une vigilance citoyenne, mais pas de panique, car cela va beaucoup faire progresser notre santé. Mais au nom de ce soin, il ne faut pas se retrouver dans une société à la Big Brother" conclut Frédéric Worms.

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