Plus d’un mois après la publication du rapport Sauvé, l’Académie catholique de France émet des critiques sur le travail de la Ciase. Dans un texte de 15 pages révélé par La Croix, ses auteurs remettent en question le caractère "systémique" des abus sexuels dans l’Église et la responsabilité juridique de l'institution. Ils dénoncent aussi des "préjugés de nature idéologique".
"Je m’attendais à des attaques contre le rapport de la Ciase", mais pas forcément de la part de l’Académie catholique, a déclaré en quelque sorte Jean-Marc Sauvé dans La Croix. Ce que conteste l’Académie catholique de France c’est d’abord la méthode utilisée pour évaluer le nombre de victimes. Elle met en perspective le nombre de témoignages reçus (2.738), l’estimation de l’École pratique des hautes études (EPHE), qui parle d’environ 28.000 personnes et la démarche statistique de l’enquête d’opinion de l’Ifop, un sondage qui conclut à environ 330.000 victimes.
"Nous nous interrogeons sur la question de savoir pourquoi, au total, ce rapport a mis sur les places publiques le chiffre de 330.000 et pas le chiffre de 28.000", explique l’un des auteurs du texte Philippe Capelle-Dumont, prêtre, philosophe et président d’honneur de l'Académie catholique de France. Selon lui, cette différence de chiffres "remet en cause" le caractère "systémique" des abus sexuels dans l’Église. Il ajoute : "Attention, les victimes restent des victimes, qu’elles soient 28.000 ou 330.000, le drame est total et il n’est pas question de faire de cette analyse un alibi qui relativiserait le drame." Rappelons que les évêques de France ont reconnu officiellement, le 5 novembre dernier, la "responsabilité institutionnelle" de l'Église dans les abus sexuels et leur "dimension systémique".
L’Académie catholique dénonce également la mise en cause de la responsabilité de l’Église en tant qu’institution. "L’Église en tant qu’institution n’a pas de statut juridique, rappelle Philippe Capelle-Dumont, donc on ne peut pas engager une responsabilité juridique sur une institution qui n’a pas de reconnaissance juridique au plan national." Si, parler de responsabilité institutionnelle "n’a pas de sens" d’un point de vue juridique, comme dit Philippe Capelle-Dumont alors, selon lui, "demander à l’Église de payer, d’indemniser en tant qu’institution, cela pose un problème de droit".
Autre critique que l’Académie catholique adresse à la Ciase : "les préjugés de nature idéologique contre la théologie morale catholique". "On a l’impression qu’il faut absolument repasser au crible l’ensemble des données de la théologie morale", estime Philippe Capelle-Dumont. Pour lui, les travaux de la Ciase occultent par exemple les paragraphe 2356 ou 2389, du Catéchisme de l’Église catholique, "où il est dit que les abus sexuels perpétrés par des adultes sur des enfants et des adolescents sont absolument inadmissibles et condamnables".
Fondée en 2008, l’Académie catholique de France réunit des personnalités, des représentants d’institutions et des intellectuels pour défendre "la place et la reconnaissance dans l’espace public, de la production intellectuelle attachée au christianisme, au catholicisme en particulier". Elle compte près de 200 membres. Parmi eux, les deux commanditaires du rapport de la Ciase : Véronique Margron, la présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), et Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques (CEF). La Croix révèle que l’un et l’autre ont démissionné le jeudi 25 novembre, en apprenant l’existence du texte. Un document de 15 pages qui aurait été remis dans la discrétion au pape François.
En réaction, le Président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric De Moulins-Beaufort, a déclaré dans une tribune publiée par le quotidien La Croix : "Nous, évêques, avons reçu les conclusions de la Ciase pour ce qu’elles sont : un travail que nous devons prendre au sérieux et qui désigne des chemins de renouvellement possibles pour notre Église." Quant à Jean-Marc Sauvé, ses propos sont plus virulents. Le président de la commission indépendante sur les abus sexuels ans l’Église parle "d’insulte aux victimes". Et déplore une façon d’agir "secrètement, sans débat contradictoire et en faisant d’abord de la dénonciation aux autorité".
Les huit auteurs du texte de l’Académie catholique, parmi lesquels figurent le président de l’Académie, le politologue Hugues Portelli, le père Philippe Capelle-Dumont, le père Jean-Robert Armogathe ou encore le philosophe Pierre Manent, prévoient d’en publier un autre après avoir décortiqué les 45 recommandations de la Ciase.
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