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Enrayée depuis des décennies par la porte de l'économie, la famine revient par la fenêtre des conflits et du dérèglement climatique. En 2015, les États membres des Nations unies prenaient la résolution d'éradiquer la faim dans le monde à horizon 2030. L'objectif paraît s'éloigner à mesure que la date approche. Les chiffres de la faim ont cessé de reculer. Pire, ils progressent.
En 2022, l'ONU faisait état d'une recrudescence de la famine dans le monde : environ 828 millions de personnes dans le monde souffraient de la faim en 2021, soit 46 millions de plus qu'un an auparavant. Présidente du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre Solidaire), Sylvie Bukhari-de Pontual impute cet inquiétant phénomène à "trois facteurs : la multiplication des conflits, l'augmentation des accidents dus au dérèglement climatique, et enfin l'accroissement des inégalités économiques et sociales partout dans le monde".
"Les guerres se sont multipliées à travers la planète, des guerres moins entre pays qu'à l'intérieur même des pays, des guerres civiles", s'alarme-t-elle, notant une accélération et une accumulation des difficultés. "Nos partenaires de long terme nous ont appelés au secours ces dernières années en nous disant que ce n'était pas d'accompagnement au développement de long terme qu'ils avaient besoin, mais d'aide d'urgence."
En février, un puissant séisme ravageait une partie de la Turquie et de la Syrie voisine. "Nous avons eu des appels au secours de partenaires installés en Syrie dans les zones qui ne sont pas contrôlées par le gouvernement. Nous avons regardé tout ce qui se pratiquait en termes d'intervention humanitaire, et nous nous sommes rendu compte que c'était la zone qui recevait le moins d'aide. Du coup, nous avons décidé d'appuyer les demandes d'urgence des deux partenaires que nous avions dans cette zone", expose Sylvie Bukhari-de Pontual.
Le changement climatique est une nouvelle source d'injustice, à prendre en compte absolument. "Les populations les plus vulnérables sont les premières victimes du dérèglement climatique, alors que les pays où elles vivent sont ceux qui l'impactent le moins", déplore la présidente du CCFD-Terre Solidaire. "Dans ces pays-là, les populations les plus touchées sont les femmes et les petits paysans, car ce sont les moins à même de se protéger préventivement contre les effets du dérèglement."
Les inégalités économiques demeurent un cheval de bataille incontournable de l'ONG. "Cela fait très longtemps que le CCFD-Terre Solidaire dénonce les comportements de multinationales françaises qui violent les droits des personnes, en particulier parce qu'elles font de l'accaparement des terres, parce qu'elles exploitent des énergies fossiles", grince sa présidente. "Mais pour dénoncer cela, nous avons toujours eu comme mode d'action un mode d'action pacifique", tient-elle à préciser.
"Nous avons décidé il y a quelques années de pouvoir recourir à ce qu'on appelle la désobéissance, c'est-à-dire poser des actes de résistance face à une loi que l'on considère comme illégitime, car injuste et inique", assume-t-elle. "On veut absolument, soit obtenir l'abrogation pure et simple de cette loi, soit obtenir son évolution avec des modifications que l'on juge plus légitimes, plus justes, plus respectueuses de la dignité des personnes."
"Ce mode d'action doit être non violent, de sorte qu'il ne porte pas préjudice à des personnes", déclare-t-elle. Quant aux dégradations, elles se justifient dans certaines limites, selon elle. "Cela pose la question de savoir jusqu'où on peut aller dans l'atteinte aux biens matériels."
Sylvie Bukhari-de Pontual tire des exemples de l'histoire récente, cite le combat pacifique de "Gandhi qui aboutit à l'indépendance de l'Inde", ou encore les "marches des Afro-Américains dans les années 1960 avec Martin Luther King qui ont permis la reconnaissance de leurs droits".
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