Le texte d'abrogation de la réforme des retraites sera bien au menu du Palais-Bourbon. A l'occasion de sa niche parlementaire du 8 juin, le groupe Liot défendra sa proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites. Avant l'examen en séance publique, la commission des affaires sociales se penche dès ce mercredi sur ce texte de tous les périls pour la majorité.
Deux mois après l'adoption au forceps de la réforme des retraites, c'est une énième querelle procédurale qui agite l'Assemblée. Mardi 30 mai, le président de la commission des finances Eric Coquerel (LFI) a jugé "recevable" la proposition du groupe Liot, dont l'objet est l'abrogation de la loi tant controversée. Un feu vert vilipendé par la majorité, qui voit là "une utilisation partisane, politique, du rôle essentiel de président de la commission des finances", dixit Aurore Bergé. Les macronistes, au premier chef desquels la présidente du Palais-Bourbon, invoquent l'anti-constitutionnalité de cette PPL, laquelle serait contraire à l'article 40 du texte fondamental. Celui-ci interdit qu'une initiative parlementaire crée une charge non financée dans le budget de l'Etat. En face, Eric Coquerel a revendiqué une "interprétation souple" de cette disposition au nom du "droit d'initiative parlementaire".
Le patron du groupe Liot souscrit au raisonnement. "On piétine le peu de droits de l'opposition", abonde Bertrand Pancher. Comment voulez-vous que les Français aillent voter ? Je demande d'abord que l'on vote. Si nous perdons, c'est la démocratie, même si je le regretterais car nous sommes toujours en pleine crise sociale". Sauf revirement, la PPL devrait bien être débattue en séance publique jeudi 8 juin.
Si nous passons au vote, je ne doute pas du soutien de 20 à 25 parlementaires LR, qui sont contre la loi pour les mêmes raisons que nous
Bertrand Pancher interpelle la présidente de la chambre basse. "J'en appelle au bon sens de Yaël Braun-Pivet. Il faut qu'elle soit courageuse", demande-t-il. Décisifs dans ce bras de fer entre majorité et oppositions, les 61 députés de droite, divisés entre eux, font planer un doute - faible - quant à l'issue du scrutin. "J'en appelle aussi à la lucidité de mes collègues Les Républicains, appuie Bertrand Pancher. Si nous passons au vote, je ne doute pas du soutien de 20 à 25 parlementaires LR, qui sont contre la loi pour les mêmes raisons que nous". En mars, la motion de censure déposée par Liot à la suite du 49-3 avait recueilli le vote de 19 députés LR, soit moins que le chiffre envisagé par le chef de file de Liot. A neuf voix près, le gouvernement était renversé.
Mais qu'a-t-il bien pu se passer pour que Liot, ce groupe méconnu et indépendant de vingt-et-un députés, se retrouve ainsi en première ligne de l'opposition alors qu'il y a quelques mois, il faisait encore figure d'allié potentiel de la majorité relative ? "Ce qui est très difficile à admettre, c'est qu'on utilise tout un arsenal de procédures pour ne pas passer au vote, explique son président pour justifier cette position d'opposant en chef. Tout est légal et tout est constitutionnel, mais quand on utilise autant de procédures pour faire en sorte que ce projet de loi ne soit pas examiné à l'Assemblée nationale…", soupire l'élu de la Meuse, dénonçant le recours à l'article 47-1 de la Constitution en vue de réduire le temps du débat parlementaire, puis le 49-3 qui a permis à l'exécutif de contourner un vote incertain. Et de citer le général de Gaulle, instigateur de la Constitution de 1958 : "Une constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique". "La pratique, ce n'est pas de bloquer par des arsenaux juridiques le fonctionnement du Parlement", peste Bertrand Pancher, qui craint rien de moins qu'une sortie du "champ démocratique traditionnel".
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