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Robert Badinter est mort à 95 ans

RCF, le 9 février 2024 - Modifié le 9 février 2024

Robert Badinter, l'ancien ministre de la Justice de François Mitterrand, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi à l’âge de 95 ans. Il était l'auteur de la loi du 9 octobre 1981 portant l'abolition de la peine de mort.

Robert Badinter à Paris en 2019 © K Daher / Hans Lucas.Robert Badinter à Paris en 2019 © K Daher / Hans Lucas.

Humaniste indépendant, Robert Badinter incarnait une autorité morale. Avocat mais aussi ancien sénateur et président du Conseil constitutionnel Robert Badinter est entré dans l’Histoire comme ministre de la Justice de François Mitterrand. Il porta la loi du 9 octobre 1981 qui abolit la peine de mort, alors qu’à l’époque, les Français sont encore majoritairement favorables à ce châtiment. Il s'investit par la suite pour l'abolition universelle de la peine capitale dans le monde. Avec l'exécution, "le crime change de camp", soulignait ce fils de fourreur, né à Paris le 30 mars 1928 dans une famille juive émigrée de Bessarabie (actuelle Moldavie).

Une soif de justice marquée par la guerre

Cet homme mince et élégant aux épais sourcils noirs, défenseur d'une France "au service des libertés et des droits de l'homme", tenait sa soif de justice d'une adolescence marquée par la Seconde Guerre mondiale. En 1942, alors qu'il n'a que 14 ans, son père est arrêté sous ses yeux à Lyon. Il mourra en déportation dans le camp de concentration de Sobibor en Pologne, tandis que sa famille est réfugiée en Savoie.

Après des études de lettres et de droit, et un diplôme de l'université Columbia comme boursier, Robert Badinter devient avocat au barreau de Paris et mène parallèlement une carrière d'enseignant universitaire. Cofondateur d'un prestigieux cabinet d'avocats d'affaires, il défend des personnalités, des grands noms de la presse ou de l'entreprise, et plaide occasionnellement aux assises.

C'est lorsqu'il échoue, en 1972, à sauver de la guillotine Roger Bontems, complice d'une prise d'otages meurtrière, qu'il passe "de la conviction intellectuelle à la passion militante" contre la peine de mort, témoignera-t-il dans son livre "L'Abolition". Cinq ans plus tard, il évite la peine capitale au meurtrier d'enfant Patrick Henry, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Cinq autres hommes échappent grâce à lui à l'échafaud.

"La justice française ne sera plus une justice qui tue" 

Devenu ministre de la Justice (1981-1986), il porte le projet de loi d’abolition de la peine de mort, mettant ainsi en œuvre une promesse de campagne du président François Mitterrand fraîchement élu. Considéré par certains comme "l'avocat des assassins" Robert Badinter est à l’époque la cible de toutes les attaques. Le 17 septembre 1981, dans un discours de plus de deux heures tenu devant l’Assemblée nationale, il déclare : "demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue." Le projet de loi est adopté le 18 septembre par les députés, et le 30 par les sénateurs. La loi est promulguée le 9 octobre 1981.

En 1983, il obtient de la Bolivie l'extradition de Klaus Barbie, l'ancien chef de la Gestapo à Lyon. Reconnu coupable de crimes contre l'humanité, Barbie sera condamné en 1987 à la prison à perpétuité. Robert Badinter, qui a toujours rejeté la "haine justicière", soutiendra en 2001 la libération, pour raison d'âge, de l'ancien préfet de police et ministre Maurice Papon, 90 ans, condamné pour complicité de crimes contre l'humanité.

Homme d'État et homme de lettres

Après son départ du gouvernement, il préside pendant neuf ans le Conseil constitutionnel (1986-1995). Sénateur socialiste de 1995 à 2011, il a la satisfaction de voir l'abolition de la peine de mort inscrite dans la Constitution en 2007. Toujours très actif, il planche sur une réforme de l'ONU dans les années 2000 et sur la réforme du code du travail pendant le quinquennat de François Hollande. Également homme de culture et écrivain, il est l'auteur de nombreux ouvrages, et même d'un livret d'opéra. L'un de ses derniers livres, "Idiss" (2018), est consacré à sa grand-mère maternelle, née en Bessarabie sous de l'empire tsariste.

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