Après une Coupe du monde réussie sur le plan sportif, l’Arabie saoudite veut faire rêver sa jeunesse. Les plus grandes stars du football international débarquent dès cet été dans l'État du golfe. L’Arabie saoudite a engagé plusieurs centaines de millions d’euros, un investissement derrière lequel se cache une stratégie mûrement réfléchie.
Dans l’histoire récente du ballon rond, une telle fuite des talents, aussi rapide, forte et puissante n’a jamais vraiment existé. La star du Real Madrid, Karim Benzema, le champion du monde 2018, Ngolo Kanté, ou encore la légende du club anglais de Liverpool, Steven Gerrard. Tous rejoindront un certain Cristiano Ronaldo dans le championnat saoudien dès la saison prochaine. À un "oui" près, on aurait pu ajouter le septuple ballon d’or Lionel Messi qui aurait refusé un contrat à 1,5 milliard d’euros sur trois ans.
Le virage stratégique saoudien est pris en 2017, au moment de l’arrivée de celui que le monde appelle MBS, Mohammed ben Salmane. Il est prince héritier du Royaume d’Arabie Saoudite et souhaite "faire rêver une jeunesse connectée au monde", décrypte Kévin Veyssière, fondateur du média FC Geopolitics.
En Arabie Saoudite, 70 % de la population a moins de 35 ans. Investir dans une société de divertissement, c’est aussi s’assurer la stabilité du pouvoir lors des quarante prochaines années. Dans une société ultra-conservatrice où la tolérance zéro de toute contestation du pouvoir reste la norme, détourner l’attention des Saoudiens semble même un impératif social.
Marquée par la guerre au Yémen, et l’assassinat en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi, l'Arabie Saoudite, bien qu’alliée des États-Unis, peine à exister vraiment sur la scène internationale. L’image que renvoie le plus grand pays du Golfe reste encore parfois déplorable et les droits humains sont encore très largement limités.
Investir dans le sport, c’est également se laisser une chance de redorer son image à l’international avec des influenceurs, sportifs, qui permettront d’attirer un public. Le football, mais aussi le rallye du Dakar, la Formule 1, la boxe, les jeux asiatiques d’hiver, l’Arabie Saoudite investit à 360 degrés.
Le virage stratégique de l’Arabie Saoudite pris en 2017 intervient au moment où le pays se rend compte que l’or noir n’est pas une ressource illimitée. Une énergie fossile qui fait aujourd’hui les joies de la couronne saoudienne mais dont les gisements seront bientôt à sec. Alors, MBS lance ce plan vision 2030 qui vise à diversifier l’économie du pays.
Calquée sur son voisin qatari, l’Arabie Saoudite expérimente le tourisme comme autre levier de croissance. Sur le principe de Dubaï aux Émirats arabes unis, le royaume Wahhabite crée même Neom, une mégapole futuriste ultra-moderne à l’horizon 2030, pour parachever son plan vision 2030. La ville accueillera les Jeux asiatiques d’hiver en 2029, avant de se développer en vitrine touristique internationale de l’Arabie Saoudite.
Par leur proximité géographique, leur investissement massif dans le sport, et leur arrivée soudaine sur la scène internationale, difficile de ne pas observer des points de comparaison entre l’émirat du Qatar et le royaume d’Arabie Saoudite. Jean Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport, assure que l’Arabie Saoudite a "regardé ce que le régime qatari a fait sur les vingt dernières années, et a quasiment adopté la même stratégie : une stratégie à 360 degrés", raconte l’auteur du livre Qatar dominé par le sport. Seulement, "ls le font plus vite, plus fort, avec plus de moyens et plus de véhémence".
Plus fort, plus puissant et surtout plus rapide, le raz-de-marée saoudien est en train de tout emporter sur son passage. Ce qu’a fait le Qatar en une décennie, l’Arabie Saoudite est en train de le faire en trois ans. Et ne compte pas s’arrêter là avec son objectif Vision 2030. Un plan pour asseoir un peu plus sa légitimité interne, redorer son image internationale, mais également surtout diversifier son économie.
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