Victime de chaleurs précoces, la majeure partie de l'Hérault a été placée mi-mai en état d'alerte sécheresse renforcée. Un dispositif de restrictions que connaissent déjà une vingtaine d'autres départements et que, l'été approchant, bien d'autres devraient embrasser.
L'eau a depuis fini par tomber, mais un peu tard. Le 12 mai, le préfet de l'Hérault a décidé de placer la majeure partie du département en alerte sécheresse renforcée. Le dernier échelon avant l'état de crise, le dispositif le plus contraignant qui soit. "On doit craindre des problèmes d'accès à l'eau, car la situation dans laquelle on se trouve est sérieuse, en dépit des orages", s'inquiète Eric Servat, directeur du Centre international UNESCO sur l'eau, basé à Montpellier. Ces derniers jours, de puissants orages ont pourtant déversé quantité d'eau sur l'Hérault. "Cela ne suffit pas, regrette l'hydrologue. Nous sommes au printemps, période à laquelle la végétation redémarre et prend la majeure partie de cette eau qui tombe. Celle-ci n'arrive pas à s'infiltrer pour alimenter les nappes". L'hiver, généralement propice à leur recréation, a été marqué cette année par une sécheresse précoce. "Les périodes durant lesquelles se refont habituellement les niveaux dans les nappes phréatiques, essentielles pour l'alimentation en eau, ont été particulièrement sèches cette année", explique-t-il.
Face au défi, des solutions existent. Dans son "plan eau" présenté fin mars, Emmanuel Macron annonçait vouloir accélérer la réutilisation des eaux usées traitées. Eric Servat pointe une "France mauvaise élève" qui "réutilise à peu près 1% des eaux usées. L'Espagne, c'est environ 15%, Israël 90%", compare-t-il. "Ce n'est pas la solution miracle qui va résoudre tous les problèmes, de la même façon que les méga-bassines (de récupération d'eaux de pluie, ndlr) ne sont pas à recommander ou à bannir partout. C'est toujours une question d'approche locale", estime l'expert, qui prône le pragmatisme à rebours des militants écologistes radicaux.
Ce n'est pas la solution miracle qui va résoudre tous les problèmes, de la même façon que les méga-bassines ne sont pas à recommander ou à bannir partout. C'est toujours une question d'approche locale
L'Hérault, par exemple, se prête bien selon lui à la réutilisation des eaux usées (parfois désignée par l'abréviation REUT). "A proximité d'un littoral, c'est intéressant, car on ne ne prive pas le milieu d'une ressource importante en eau". Pour les considérations hygiéniques, il se montre rassurant. "Le risque sanitaire est maîtrisé, affirme-t-il. En fonction de l'usage que l'on fait de cette ressource dite alternative, on met en place les traitements qui correspondent. L'irrigation, l'arrosage et le nettoyage de voirie ne nécessitent pas la même qualité d'eau".
Alarmiste mais pas catastrophiste, Eric Servat prévient que des choix seront de plus en plus nécessaires quant à l'accès à l'eau. "On va sans doute se trouver, avec le changement climatique, dans des conditions qui vont rester difficiles en matière de mobilisation et d'accès à la ressource en eau, prévoit-il. Cela pose évidemment des des problèmes en matière d'usage de cette ressource, et d'arbitrages auxquels il faudra procéder en ce qui concerne ces usages".
Ces difficultés doivent être une source de motivation pour se retrousser les manches
Exit les postures radicales, exit l'hystérie idéologique, place au dialogue. L'hydrologue invite "sereinement et collectivement à se pencher sur la question, pour aller vers une culture du compromis, qui n'est pas notre point fort en France. Il va falloir que chacun accepte d'entendre les besoins des autres". Exit la résignation, place à l'action ! "Ces difficultés doivent être une source de motivation pour se retrousser les manches et essayer d'imaginer quel mode de fonctionnement, quelle culture on doit développer par rapport à l'eau".
Eric Servat déplore que certains scientifiques vampirisent les débats en mêlant à leur érudition une approche militante. "Ils doivent pouvoir apporter au débat des éléments de connaissance objectifs, et j'insiste sur ce terme". Mardi 30 mai sur France Inter, Jean-Marc Jancovici, ingénieur vedette de la génération climat, se prononçait en faveur de quotas de vols en avion dans une vie. Le directeur de l'institut montpelliérain n'approuve pas ce qui lui semble un dévoiement de son métier. "Je peux voir mon opinion sur la manière dont les choses devraient s'organiser. Mais si je les exprime, je pense que je sors de mon rôle de scientifique pour donner un point de vue militant". On l'a compris, pour relever les défis de demain, il faut compter sur la science. Rien que la science.
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