Mais était-ce le nom ou le verbe ? C’est qu’en effet c’est le propre des mots très forts que d’être à la fois verbe et nom, comme le déjeuner, le dîner, le vivre, le mourir.
Eh bien avec un petit effort de mémoire forcément, tout revient, et c’est d’autant plus facile qu’on repère aisément le verbe venir, dans « se souvenir ». En fait c’est tout simplement le fait de « venir » du dessous en fait, et c’est donc une image, une sensation qui se présente à l’esprit, qui revient en surface, remontant des profondeurs.
On atteste déjà du verbe dans le Chanson de Rolland, en 1080, et le mot va donc dès le XIe siècle s’installer pour ne plus jamais quitter la scène. Eh bien sûr le verbe « se souvenir » va se conjuguer comme le verbe venir, avec des formules comme « Du plus loin que je me souvienne ». Et tout de suite – avant que je ne m’en souvienne plus – une bien jolie formule ancienne : « se promettre amitié et souvenance ».
Souvenance est aujourd’hui archaïsant, mais Furetière en 1690 en donne un joli article, définissant la « souvenance » comme une « action de la mémoire », signalant qu’on ne le dit guère que dans cette phrase : « Rire de souvenance, c’est-à-dire de quelque agréable pensée ». En fait, le mot a perduré, et on se souvient de Chateaubriand, évoquant dans son Voyage en Amérique, le fait qu’il a voulu, dit-il, « avant de mourir jeter un regard sur l’Auvergne, en souvenance de mes impressions de jeunesse ».
Et Balzac, toujours pour illustrer ce joli mot, à relancer, écrivant à celle qu’il aime, Mme Hanska : « Présenter mes amicales souvenances à M. de Hanski, ». On est en 1836. Enfin, pour être complet dans le souvenir de la souvenance, il faut rappeler que la souvenance désignait autrefois un objet composé de trois anneaux attachés ensemble que l’on mettait à ses doigts pour se souvenir de quelque chose. On devrait en relancer la mode. Et bien sûr le mot « souvenir » est un mot très fort pour les écrivains qui l’ont abondamment illustré de belle citations.
Eh bien j’aime beaucoup cette remarque d’Eugène Marbeau dans ses Remarques et pensées en 1901 : « Le moment présent est vite passé, c’est le souvenir qui dure ». Eh bien cultivons le souvenir des jours heureux… et leur avenir aussi !
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