Strophes pour se souvenir, le poème d'Aragon en hommage à Missak Manouchian
Missak Manouchian, résistant communiste arménien mort pour la France fait son entrée au Panthéon avec son épouse Mélinée. Ses 22 compagnons fusillés avec lui au Mont Valérien le 21 février 1944, six mois avant la libération de Paris, auront le droit à une plaque dans le caveau. En 1955, Louis Aragon écrivait le poème Strophes pour se souvenir en hommage aux 23 immigrés résistants. Un poème emblématique à redécouvrir.
Veillee memorielle d'hommage a Missak Manouchian au Mont-Valerien (Hauts-de-Seine). Ceremonie sur le lieu de l'execution de Missak et des membres de son groupe de resistants etrangers communistes juifs des FTP-MOI. © Amaury Cornu / Hans Lucas.Ce mercredi 21 février, quatre-vingt ans après avoir été fusillé par les nazis, le résistant communiste Missak Manouchian va entrer au Panthéon accompagné de sa femme Mélinée. Ce mardi 20 février, un hommage a été rendu au Mont-Valérien, lieu de son exécution. À cette occasion, le poème-hommage de Louis Aragon aux vingt-trois fusillés du groupe Manouchian, Strophes pour se souvenir a été récité.
Missak Manouchian, premier communiste et premier étranger au Panthéon
Après Simone Veil, Maurice Genevoix et Joséphine Baker, Missak Manouchian sera la quatrième personnalité à faire son entrée dans "le tombeau des grands hommes" depuis l'élection d'Emmanuel Macron. Le chef de l'État a présidé la cérémonie de panthéonisation du résistant arménien ce mercredi 21 février et a salué une "odyssée de liberté".
Quatre-vingt ans, jour pour jour, après avoir été fusillé aux côtés de 22 camarades du réseau des Francs-tireurs et partisans de la main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI), Missak Manouchian est le premier résistant étranger et premier communiste a entrer au Panthéon. Pour Jean-Baptiste Romain, responsable des hauts lieux de la mémoire nationale en Île-de-France c'est un moyen "de mettre sur le devant de la scène ceux qui étaient oubliés : les étrangers, les communistes et les juifs".
Strophes pour se souvenir le poème-hommage de Louis Aragon
En 1955, l'auteur d'Aurélien, Louis Aragon consacre un poème aux 23 fusillés du Mont Valérien : Strophes pour se souvenir. Son éloge funèbre est publié pour la première fois à la une du journal l'Humanité avec comme titre Groupe Manouchian. Onze ans après l'exaction le poète français rend hommage à "ces vingt et trois étrangers et nos frères pourtant". Des vers qui font écho à la polémique actuelle autour de la loi immigration.
En 1961, le chanteur Léo Ferré reprend le texte d'Aragon pour l'adapter en chanson: L'affiche rouge. Un titre qui rappelle la campagne de propagande antisémite placardée à travers la France par les nazis pour justifier la condamnation du Groupe Manouchian. Le texte inspire encore aujourd'hui la scène musicale française notamment le groupe Feu! Chatterton qui depuis 2021 a repris cette chanson empreinte d'Histoire. Retrouvez le poème dans son intégralité ci-dessous.
Strophes pour se souvenir
Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos Morts pour la France
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Louis Aragon, 1961
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Le dossier de la rédaction8 min20 février 2024Manouchian au Panthéon : Missak et son cortège de symboles
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