Camille Beaurin connait bien ce monde. Elle une ancienne conjointe collaboratrice de son mari, agriculteur. Ensemble, ils élevaient des porcs, faisaient pousser des céréales. Une vie simple et dévouée à leur ferme, loin du bruit de la ville et de ses turpitudes. Mais une vie difficile, trop difficile. Alors qu’elle n’a que 24 ans, son époux se suicide. Après une première tentative, il met fin à ses jours.
C’est cette histoire qui raconte Camille Beaurin dans son livre "Tu m’as laissé en vie" (éd. du Cherche-Midi). Un livre publié alors que d’ici quelques jours, cela fera deux ans que son époux s’est donné la mort. "Aujourd’hui, je vais du mieux possible. Ce n’est pas simple tous les jours. Il est encore très présent. C’est compliqué de parler de son histoire personnelle dans les médias, mais il faut le faire pour lui" explique-t-elle.
Le livre s’intitule de la sorte car trois jours après le suicide du mari de Camille Beaurin, un autre agriculteur de la région se donne aussi la mort. Mais dans son geste, celui-ci emporte également sa femme, et ses enfants. "Mon mari a voulu partir tout seul. Il m’a laissé cette chance-là de vivre, et il faut continuer de vivre. Au début je ne voulais pas témoigner, j’étais dans un trou noir. Mais au fil du temps, les suicides continuent, et on se dit qu’on ne peut pas laisser cela comme ça" ajoute-t-elle.
La Mutuelle sociale agricole affirme qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours. Le film où joue Guillaume Canet évoque un suicide par jour. Derrière ces chiffres froids, se cache une réalité bien tangible. "Un agriculteur qui se suicide sur son exploitation est considéré comme un accidenté du travail. Pas s’il se suicide chez lui. Les chiffres sont faussés" précise Camille Beaurin, en colère.
Dans son livre, Camille Beaurin revient sur son quotidien à la ferme. Une exploitation familiale, de 50 hectares, en polyculture élevage. Un travail exigeant, et fatiguant, du lundi au dimanche. "En dix ans de vie commune, nous nous sommes accordés un week-end à Paris. C’est zéro vacance, et quand cela ne va pas, cela prend le dessus sur la vie privée. Et ensuite, il n’y a plus de vie privée" lance-t-elle, précisant ne pas avoir aimé tout de suite la vie à la ferme, venant d’un environnement plus urbain.
Pour elle, son mari a fait une sorte de burn-out. "Cela commence par la dépression, puis le burn-out arrive. Il faut le comprendre. C’est compliqué dans leurs têtes. Pour eux, tout va mal, mais ils ne le disent pas. Malgré les séances chez le psy" explique Camille Beaurin. Aujourd’hui, elle a toujours du mal à dire qu’elle est veuve, que son mari s’est suicidé. "C’est le système qui a tué mon mari".
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