À quel moment un établissement scolaire est-il correctement sécurisé ? Il s’agit aujourd’hui de protéger nos écoles contre les menaces extérieures, contre les attaques cyber ou encore contre les agressions venant de l’intérieur. Le sujet est donc transversal. Et implique une recherche d’équilibre pour ne pas avoir des écoles bunkers. Gabriel Attal a organisé deux réunions en trois semaines sur le sujet. Alors que la France est repassée en alerte maximale attentat, le Premier ministre veut boucher les “trous dans la raquette”.
Bunkers, sanctuaires de la République, lieu en communion avec la ville : la place de nos écoles dans notre société ne cesse d’être questionnée à travers le sujet de leur sécurisation.
“À l’origine, les établissements scolaires étaient globalement fermés, car c’était des internats et qu’on voulait empêcher les élèves de sortir, ensuite, on a ouvert les établissements avec l’objectif de faire rentrer les élèves dans la ville et la ville dans l’école pour créer une interaction et généraliser l’éducation” raconte François Freynet, directeur d’AFL Conseil, société spécialisée en sûreté urbaine. Il travaille depuis trois décennies sur ces questions. La place des écoles au sein de la ville est devenue un “élément structurant de la société” témoigne-t-il aujourd’hui.
Après l’attentat à Moscou le 22 mars, le plan Vigipirate a été élevé au niveau “Urgence attentat” en France. Dans la même séquence, Gabriel Attal tient deux réunions, le 21 mars et le 4 avril concernant la sécurisation des établissements scolaires. Dans le viseur au départ : 500 établissements dans lesquels des “trous dans la raquette” ont été constatés. “150 établissements ont vu leur sécurité renforcée” et “350 établissements restent à sécuriser de manière prioritaire” chiffre le Premier ministre. Lors de la deuxième réunion, l'objectif est de travailler sur la sécurisation de 150 à 200 établissements classés comme "particulièrement à risque".
“On sait que les trous dans la raquette sont assez gros” assure Audrey Chanonat, principale d’un collège en Charente et secrétaire nationale du SNPDEN-Unsa. “Lorsque je suis arrivée dans mon établissement en Charente l’an passé, le portail ne fermait pas et restait ouvert 24h/24h” illustre-t-elle. La raison : les travaux n’avaient pas encore été faits. Et selon elle, les “trous dans la raquette”, évoqués par Gabriel Attal sont de cet acabit. “Il s’agit d’établissements qui n’ont pas de sonnerie d’alerte en cas d’intrusion, pas de plan particulier de mise en sécurité ou dans lesquels on n'a pas toujours les moyens d’être présent à l’entrée faute de dotation en assistant d’éducation” liste la proviseure.
“Il y a eu un grand effort de sécurisation ces dernières années” reconnaît quand même Audrey Chanonat. L’assassinat de Samuel Paty a obligé les autorités à se saisir de ce sujet. Reste à savoir contre quoi on se protège.
“Il n’y a pas de niveau de sécurité absolu, c’est toujours relatif à une menace” prévient François Freynet. “Les écoles sont assez bien protégées contre une menace traditionnelle comme une intrusion, - les écoles sont fermés lorsque les élèves ont fini d’entrer, elles ont un seul point d’entrée qui est contrôlé, - en revanche, on n'est clairement pas équipé pour contrer une attaque avec des personnes équipées d’armes de guerre” développe-t-il. “Quelque part, heureusement, car nous sommes un pays en paix et on se protège contre des menaces qui touchent un pays en paix” enchaîne directement l’expert. “Il faut continuer à sécuriser les établissements scolaires, mais on ne peut pas les transformer en bunkers pour autant” abonde Audrey Chanonat.
Sécuriser les établissements scolaires cela signifie se donner les moyens de protéger les gens à l’intérieur en cas d’alerte où de menace
Pour la proviseure, une école correctement sécurisée, c'est : “un établissement fermé, des portails qui ferment, des clôtures pas franchissables et avec les moyens humains pour contrôler les accès et avoir une présence constante devant l’établissement”. C’est là que se trouve l’équilibre. Viennent ensuite les débats concernant l’installation de portiques à l’entrée des écoles ou la présence de vidéosurveillance aux abords de l’établissement réclamée par certains politiques comme le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez ou le sénateur LR François-Noël Buffet. “Cela devient indispensable pour les écoles” assure ce dernier.
Si on globalise cette question de la sécurité des écoles, les professionnels font un découpage en trois zones : la périphérie ce qui se situe autour de l’école, actuellement, le plan Vigipirate au niveau maximal implique par exemple, la suppression de places de parking et l’interdiction de stationnement long aux abords de l'établissement, la périmétrie, c'est-à-dire les frontières de l'école, les murs ou les portiques par exemple, et la volumétrie, qui concerne ce qui se passe à l’intérieur de l’école. “Aujourd’hui, sécuriser les établissements scolaires cela veut dire se donner les moyens de protéger les gens à l’intérieur en cas d’alerte où de menace” résume François Freynet. “Cela signifie : avoir les moyens de détecter une intrusion, c’est-à-dire avoir une porte fermée qu’il faut franchir ou casser, avoir les moyens de diffuser cette alerte, là, on est sur de la procédure et de l'entraînement et avoir les moyens de mettre les gens en sécurité, là il y a des débats au sein des professionnels entre le confinement et l’évacuation” liste le directeur d’AFL Conseil
Au niveau périphérique, se pose également la question du lien avec les forces de l’ordre. “On a vraiment fait un travail de rapprochement ces dernières années” assure la porte-parole du ministère de l’Intérieur, Camille Chaize. "Il y a une dizaine d'années, la police et l'éducation nationale représentaient deux mondes distincts, aujourd'hui, on est vraiment deux partenaires", affirme-t-elle. “Une des clés de la sécurisation est la relation avec les forces de l’ordre” confirme Audrey Chanonat. “Il faut avoir la liaison la plus directe possible pour leur permettre d’intervenir”, ajoute-t-elle.
“Le lien existe” corrobore François Freynet. “Pour autant, l’essentiel des menaces où des risques qui touchent les établissements scolaires sont plus du domaine éducatif que des logiques policières” analyse-t-il. En creux, c’est la question de la laïcité qui se pose ici. La menace la plus inquiétante est peut-être exogène, mais la plus prégnante est certainement endogène. Elle vient des élèves eux-mêmes. L’actualité récente l’a encore montré avec la démission la semaine dernière du proviseur du Lycée Maurice Ravel à Paris. Il a été menacé de mort sur les réseaux sociaux après une altercation avec une élève sur la question du port du voile. De même, on s'aperçoit que la frontière entre menace exogène et menace endogène est parfois très poreuse. C’était le cas par exemple avec l’assassinat de Samuel Paty.
Avec le sénateur du Val-de-Marne, Laurent Lafon, le sénateur LR François-Noël Buffet, président de la Commission des lois, a rendu, début mars, un rapport de la commission d’enquête sur le signalement et le traitement des pressions, des menaces et agressions dont les enseignants sont victimes. Dans le viseur : la laïcité. “Après Samuel Paty et Dominique Bernard, il est nécessaire de sécuriser l’enceinte des lycées et des collèges” reconnaît le sénateur. “Mais il est essentiel de former et de sensibiliser à la laïcité l’intégralité de l’équipe éducative, de la direction au surveillant en passant par les professeurs ou la personne qui est à l’entrée du collège et qui voit passer les jeunes tous les jours” plaide-t-il. Le rapport recommande notamment de “garantir la formation des futurs enseignants à la promotion des valeurs de la République et de la laïcité dans le cadre spécifique scolaire” et de “faire de celle-ci un module majeur de leurs formations”. “La problématique est que tout le monde n’a pas la même définition de la laïcité” assure le sénateur.
“Les questions de laïcité, des valeurs de la République, de sécurité des établissements doivent-être des objectifs fondamentaux du ministère” abonde Audrey Chanonat. Elle partage l’objectif de formation évoqué par François-Noël Buffet. “Depuis le drame de Samuel Paty, les enseignants et le personnel sont peu à peu tous formés à la laïcité, mais c’est insuffisant” regrette-t-elle. La proviseure prend l’exemple de son équipe qui a reçu une demi-journée de formation l’an passé. “Ce n’est pas suffisant pour faire progresser le sujet” conclut-elle.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !