De plus en plus de personnes ont recours à des biographes professionnels pour coucher leur histoire sur le papier et laisser un héritage à leur descendance. La transmission des souvenirs, d’un passé familial ou d’évènements importants tient à cœur à beaucoup de parents ou grands-parents qui ne racontent pas tout et trouvent plus facile de dire les choses à l’écrit. Il s’agit d’un travail de longue haleine pour le biographe qui doit plonger dans l’intimité du conteur et produire un récit.
Les biographies pour particuliers diffèrent de celles que l’on peut lire sur des personnages célèbres. Leur seul point commun est qu’elles racontent une ou des vies, mais la méthode de travail et le lectorat ne sont pas les mêmes. Il s’agit pour le biographe de réaliser un véritable travail d’enquête humaine, alimenté par des entretiens et quelques recherches parfois. Par ailleurs, "lorsque la diffusion de l’écrit est privée, on n’a pas à trop se préoccuper de plaire à un lectorat", explique Emmanuel Desestré, biographe professionnel et président de l’association Biographicus. Le cadre est plus intimiste et le champ des personnes concernées est plus restreint.
"C’est un métier passion parce que c’est un métier de rencontres", confie Emmanuel Desestré. Ce long travail qu’est la biographie se fait à deux et implique de nombreuses heures ensemble. "On finit par vraiment connaître les individus avec lesquels on travaille", indique l'écrivain public avant de préciser : "On connaît aussi l'environnement dans lequel ils ont grandi, les lieux, les moments". À force de travailler main dans la main, des liens se créent entre le biographe et le conteur, même s’ils sont ténus. "C’est un peu comme peindre une personne", précise-t-il.
"L’écriture et la relation c’est un beau mélange", estime Tiphaine De Lachaise, biographe professionnelle. Selon elle, le fait de raconter les histoires des autres est enrichissant et marquant, "bien qu’il ne soit pas évident de se couler dans l’histoire d’une vie", raconte la biographe. Cependant, elle alerte notamment sur le brouillage affectif qu’il peut y avoir lors d’un tel travail en raison "d’un effet miroir qui nous remue nous aussi".
L’une des exigences de la profession est la raison. "La vie intime des gens c’est quelque chose de sensible", selon Emmanuel Desestré qui insiste sur la nécessité de prendre des pincettes. "On est toujours un peu sur une ligne de crête, il ne faut pas devenir un psychologue", ajoute Tiphaine De Lachaise. Pour elle, il est important de "faire le filtre" car les biographes ont "une forme de responsabilité". Bien que ce ne soit pas évident, un biographe doit parvenir à ne pas tout dire, étant donné qu’il touche parfois à des histoires sensibles et des secrets de famille.
"Les gens ne se rendent pas toujours compte de dans quoi ils se lancent", affirme Emmanuel Desestré. Il n’est pas évident pour tout le monde de s’ouvrir à un inconnu et d’être suffisamment à l’aise pour lui confier son intimité. Qui plus est, il faut être prêt à recevoir tout type de réactions de la part de la famille. "Il faut faire attention à la façon dont les autres vont recevoir ces souvenirs qu’ils n’ont pas vécu de la même manière", d’après Tiphaine De Lachaise. "Ça demande une certaine prudence", insiste le directeur de Biographicus.
De nombreux éléments peuvent pousser une personne à vouloir se raconter aux autres. "Ça peut être des choses tues pendant des années, parfois graves", indique Emmanuel Desestré. Souvent, il s’agit simplement de laisser quelque chose après sa mort, afin de transmettre à ses descendants une vie qu’ils n’ont pas connue. En particulier, les personnes âgées d’aujourd’hui ont souvent connu l’occupation et les grands changements du siècle dernier. "Il y a une différence de vie entre les générations", explique le biographe. Même s’il est parfois question de traumatismes ou de sujets sensibles, "laisser une biographie en héritage ne peut que resserrer les liens familiaux et être positif sur le long terme", conclut Tiphaine De Lachaise.
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