Un gouvernement pour Noël : entre urgences budgétaires et fragilités politiques

La tâche s'annonce délicate pour cette nouvelle équipe gouvernementale, en particulier pour le ministre de l'Économie, Éric Lombard. Tout juste nommé à Bercy, il a appelé à s'attaquer à notre mal endémique : le déficit, qui devrait culminer au-dessus de 6 % cette année.

Un problème de représentativité qui reste le même

Le nouveau gouvernement, annoncé le 23 décembre au soir par le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, ressemble à s’y méprendre au gouvernement de Michel Barnier. Parmi les 35 nouveaux membres, plus de la moitié faisait déjà partie de l’équipe précédente. Selon Arnaud Benedetti, le problème de fond reste identique. "In fine, François Bayrou, qui avait certainement promu sa candidature de Premier ministre comme étant susceptible d'élargir la base parlementaire, n'y est pas parvenu." Le spécialiste en communication politique explique que, pour éviter le risque de censure, il aurait fallu que François Bayrou réussisse à rallier une partie des composantes du Nouveau Front Populaire et à créer une coalition allant des Républicains (LR) jusqu'à une partie de la gauche. "Ce vice originel, ce nœud gordien, est-il capable de le trancher ? On verra dans les prochains jours," observe Arnaud Benedetti.

In fine, François Bayrou, qui avait certainement promu sa candidature de Premier ministre comme étant susceptible d'élargir la base parlementaire, n'y est pas parvenu.

François Bayrou est un Premier ministre issu du bloc macroniste, tandis que Michel Barnier faisait partie de l’opposition. Selon Arnaud Benedetti, la situation s’est encore détériorée. "On voit que du côté des LR, depuis l'annonce du gouvernement, il y a un soutien avec réserve. Laurent Wauquiez a réuni les parlementaires de son groupe pour leur dire qu’il y aura une très grande exigence et que ce sera surtout un soutien texte par texte," rapporte Arnaud Benedetti. Les élections législatives anticipées avaient révélé un souhait des Français de rupture avec les forces politiques qui ont gouverné le pays depuis des décennies. "Comme le résultat de ces élections ne nous a pas donné le sens véritable de cette rupture, on se retrouve dans une ambivalence et une ambiguïté structurelle : ce sont toujours les forces de gouvernement qui continuent à gouverner," conclut l’expert en communication politique.

Des dossiers prioritaires

François Bayrou a nommé dans ce gouvernement quatre ministres d’État, bénéficiant d’une prééminence protocolaire et disposant de la prérogative d’organiser des réunions interministérielles. "La volonté du Premier ministre est de montrer que, sur un certain nombre de dossiers – je pense notamment à l’Éducation, à la Justice ou encore à l’Outre-mer – il s’agit de véritables priorités." Dans ce nouveau gouvernement, Élisabeth Borne (ministère de l’Éducation), Manuel Valls (ministère des Outre-mer), Gérald Darmanin (ministère de la Justice) et Bruno Retailleau (ministère de l’Intérieur) disposent de ce titre.

La volonté du Premier ministre est de montrer que, sur un certain nombre de dossiers – je pense notamment à l’Éducation, à la Justice ou encore à l’Outre-mer – il s’agit de véritables priorités.

Le ministère des Outre-mer est particulièrement mis en avant, car de nombreux territoires français y rencontrent des difficultés. Ces derniers jours, la situation à Mayotte a suscité une vive préoccupation, mais elle reste également tendue en Nouvelle-Calédonie, dans les Antilles et en Guyane, rappelle Arnaud Benedetti. "Le dossier de l’Outre-mer est immense, c’est un chantier en friche depuis trop longtemps. C’est un dossier absolument essentiel, car il reflète l’image de la France dans le monde."

Retour de poids lourds de la politique

François Bayrou qualifie son équipe de "collectif d'expérience pour réconcilier et renouer la confiance avec tous les Français." Ce gouvernement est marqué par le retour de figures politiques jouissant d’une notoriété et d’une solide expérience gouvernementale, souligne Arnaud Benedetti. "Il y a surtout une volonté d'affichage et de communication politique. On est allé chercher des profils crédibles et expérimentés pour compenser les difficultés à élargir la base parlementaire."