Alençon
ARTICLE PUBLIÉ LE 10/09/2021
Le P. Mehdi Riffi nous a quitté dimanche 29 aout dans un accident à l'issue dramatique. Lors de sa messe de funérailles à Alençon, les témoignages sur la personnalité et l'apostolat lumineux de ce jeune prêtre furent bouleversant.
Retour sur les moments forts de la messe de funérailles en la basilique Notre-Dame d'Alençon, le lundi 6 septembre 2021. Le P. Loïc Gicquel des Touches, son curé à Alençon, le P. Philippe Pottier, l'administrateur du Diocèse, le P. Jean-Marie Petitclerc, prêtre salésien qui l'a accueilli pendant deux ans au Valdocco en banlieue lyonnaise auprès de jeunes de quartiers défavorisés, mais aussi Laurence et Jean de Valbray, le couple qui l'accompagna sur son chemin singulier vers le sacerdoce et enfin Mgr Pierre-Antoine Bozo, actuel évêque de Limoges et ancien vicaire-général dans l'Orne qui eut souvent Mehdi dans le groupe des jeunes qui l'accompagnait dans ces différents camps qu'ils soient à cheval, à vélo ou plus classiquement à pieds.
C'est Mgr Bozo qui délivra l'homélie à l'occasion de ces obsèques. Nous la reproduisons ici dans son intégralité:
« Ordinairement, quand je prêchais en sa présence, Mehdi s’endormait assez vite. A sa décharge, c’était souvent à l’occasion d’un camp, dont beaucoup d’entre vous ont été les acteurs, à VTT, à ski, à cheval, à pied, en colo, en pèlerinage, aux JMJ, avec le camp théâtre… J’étais un peu vexé, mais j’avais fini par m’habituer… les choses n’ont pas changé, Mehdi dort encore. Il s’est vite, trop vite endormi. Endormi dans la mort cette fois. Du coup, il n’a vraiment plus aucun besoin de mes pauvres mots, si impuissants à évoquer ce mystère lumineux, ce mystère glorieux, qu’il est maintenant appelé à contempler face à face, et qui nous apparait pour nous, pour l’heure, si voilé. Pour Mehdi, la mort n’est plus un problème, pour nous, la sienne est aujourd’hui cause d’une souffrance profonde. Une souffrance affective, car Mehdi, qui savait tout à fait être irritant à ses heures et jusqu’à celle de sa mort, était pourtant si aimable, si généreux, si joyeux, si plein d’enthousiasme, si créatif, si talentueux, si original, qu’il était difficile de ne pas l’aimer beaucoup. Et nous le savons, chacun d’une manière unique dans cette assemblée, au premier rang de laquelle sa famille bien aimée.
Ces jours cis, le presbytère de la rue du Bercail ressemblait un peu à la maison de Béthanie où saint Jean nous dit que beaucoup étaient venus réconforter Marthe et Marie…les deux sœurs de Mehdi, sa maman, sa famille, ses amis, son curé, ses paroissiens, nous avons essayé pauvrement de nous réconforter les uns les autres. Mais l’exercice est difficile, parce qu’à la souffrance affective s’ajoute une souffrance qu’on pourrait dire cérébrale, celle de ne pas comprendre, de ne pas déchiffrer le sens du projet de Dieu. Car c’est bien lui, ultimement, qui est Maître de la vie et de la mort. Et la mort de ce jeune homme de trente-huit ans, plein de santé, ordonné il y a un an pour servir l’Eglise, pour servir notre joie, a toutes les apparences d’un non-sens. Et le reproche de Marthe à Jésus, nous le faisons nôtre spontanément : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère, mon frère Mehdi, ne serait pas mort ! ».
Je n’ai pas de solution humaine ni de consolation facile à vous offrir, je ne peux faire qu’une chose, c’est me faire l’écho de la seule parole qui transperce ce mur d’incompréhension. Cette parole est un verbe, c’est le verbe de Dieu, c’est Jésus. Jésus-Christ, que l’abbé Mehdi essayait de suivre et de servir, Jésus à qui, après bien des hésitations et des combats qui n’étaient certainement pas terminés, Mehdi avait choisi de donner sa vie, toute sa vie. Jésus qui nous dit devant la grande question de notre vie qui est celle de la mort : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » Jésus qui pose la question à Marthe : « Crois-tu cela ? »
Frères et sœurs, chers amis, la seule réponse à ce drame qu’est la mort de notre jeune abbé, est celle que chacun de nous donnera à la question de Jésus : « Crois-tu cela ? Crois-tu que Jésus est la résurrection et la vie, et que celui qui croit en lui, même s’il meurt, vivra ? » Elle est posée au singulier : elle appelle la réponse renouvelée de chacun d’entre nous. Cette réponse, nous l’expérimentons, ne nous épargnera pas la souffrance. L’évangile, Mgr Habert nous l’a rappelé tout à l’heure, raconte un peu plus loin que Jésus lui-même, qui est la résurrection et la vie, devant le corps sans vie de Lazare, fut saisi d’émotion, bouleversé, et qu’il pleura.
L’abbé Mehdi nous manquera donc durement ; nous le trouverons là où l’infinie miséricorde de Dieu lui a préparé une place. Nous le trouverons en cherchant Dieu, et pas ailleurs. Dieu qui est assez puissant pour donner toute grâce en abondance, selon notre première lecture, avait doté Mehdi de nombreux charismes, de multiples talents, cela a été abondamment rappelé. Mais le prêtre n’est pas ordonné pour attirer à lui. Il est ordonné pour attirer à un autre, pour désigner l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Ainsi que Jean-Baptiste désigne Jésus. Ainsi que le père Mehdi, à cet autel, vous Le désignait en élevant l’hostie consacrée : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Et le même Jean-Baptiste, qui désigne ainsi Jésus, déclare à propos de Lui : il faut qu’Il grandisse, et que moi, je diminue. Mehdi ne pouvait pas diminuer davantage. Il nous reste donc à laisser grandir en nos cœurs Celui que sa vie, trop courte, a tenté de désigner : Jésus, l’Agneau de Dieu.
Vous savez à quel point, et le père Petitclerc l’a rappelé, c’est aux jeunes surtout que Mehdi désirait désigner Jésus-Christ. Aux jeunes qu’il voulait montrer que Jésus n’est pas une histoire du passé, mais Le Vivant. Alors, vous, mes jeunes amis, qui êtes si déboussolés par la mort du père Mehdi, même si comme beaucoup d’entre nous vous lui en voulez un peu d’être parti si vite, remerciez-le de ce qu’il a été pour vous, de ce qu’il a fait pour vous, en ouvrant grand vos cœurs à l’amour de Dieu, en cherchant Dieu. Plutôt pas dans une cave, mais au grand jour, en tournant vos yeux vers son grand ciel et vers vos frères. La fécondité actuelle de la vie de Mehdi qui a déserté trop vite le champ de la mission terrestre, -mais il ne désertera pas celui de la mission céleste, sa fécondité sera maintenant qu’il suscite des vocations de prêtres, des vocations consacrées, pour continuer cette mission magnifique. Mehdi avait un beau modèle sacerdotal, il s’appelait le père Paul Labutte, il était mort très âgé au terme d’un très long ministère. Mehdi ne l’a pas imité en tout, il n’a pas fait dans la durée, il a fait dans l’intensité. Il aimait la petite Thérèse, morte dans la fleur de l’âge, comme elle, il a accompli sa course de géant. Il en reste la traînée lumineuse dans nos cœurs, dans nos souvenirs. Merci Seigneur de nous avoir donné Mehdi, merci Mehdi, de nous avoir indiqué Jésus-Christ.
Amen. »
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