"Nu avec Picasso", c’est le titre de ce petit livre. Une déambulation quasi somnambulique où l’auteur croise Picasso, ainsi que d’autres personnes ayant évolué dans l’entourage du maître. Ce n’est pas la première fois qu’Enki Bilal raconte une aventure au musée. "Ce sont des lieux fascinants. Quand je suis arrivé en France, le temps d’apprendre le français, je me suis appuyé sur ma fascination pour l’image et le dessin. Je suis beaucoup allé au Louvre avec mes parents. Et quelques années plus tard, se retrouver à exposer dans cet endroit, ce fut quelque chose d’assez incroyable" explique Enki Bilal, artiste, dessinateur de bande-dessinée.
Durant sa nuit au musée, Enki Bilal croise donc plusieurs fantômes d’artistes à qui il doit beaucoup. Goya par exemple. "C’est l’un des peintres qui m’a le plus fasciné. Il y a une forme d’énergie, de puissance, de nostalgie, quelque chose d’assez profond qui me touche dans la peinture de Goya. Picasso c’est une toute autre histoire. C’est la traversée du siècle de cet homme, qui a fait exploser sa propre technique, qui a osé. C’est plus la démarche de destructeur de son propre style du début qui est fascinante. Il est allé au bout de quelque chose, c’est une trajectoire hors-normes" ajoute-t-il.
Dans ce livre, tous les personnages sont nus. Pour Enki Bilal, l’art est une expérience sensorielle, voire sensuelle. "Dans beaucoup de mes livres précédents, la question olfactive, tactile, sont des choses qui ne sont pas graphiquement montrables, mais qui ont un sens très puissant. Elles peuvent accompagner un dessin et donner un sens à une thématique. Dans la création, on est forcément mis à nu au départ. La nudité est une forme de pureté du corps" lance le dessinateur.
L’histoire d’Enki Bilal avec le dessin commence avec un cheval. Un cheval que l’on retrouve également dans la nuit du dessinateur au musée Picasso. "Ma mère avait un très bon coup de crayon. Je me souviens d’une tête de cheval que je me suis acharné à reproduire jusqu’à ce que ce soit presque aussi bien que ce qu’avait fait ma mère. C’est un souvenir très fort pour moi par rapport à mon entrée dans le dessin" rappelle Enki Bilal.
Dans le livre, Enki Bilal finit couché au pied du tableau Guernica de Picasso. "Je pose pour Picasso comme d’autres artistes pourraient poser pour moi. Comme certains ont posé pour Goya. Il y a une forme de transmission. Le corps des uns sert aux autres" explique-t-il. Un confinement au musée qui aura duré une nuit. Bien loin du confinement dont la France sort. "Je fais partie des privilégiés. Le confinement, je connais. Quand je suis dans une période de création, je suis dans un confinement permanent. Je ne fais pas partie de ces gens dont la vie a basculé. J’ai vécu cela avec sérénité" conclut-il.
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