Le 11 octobre 1962 s'ouvrait le concile Vatican II et avec lui trois années de rencontres et d’échanges entre les évêques du monde entier, sous l’égide de Jean XXIII puis de Paul VI. Le projet était de réformer l’Église et ses relations au monde dans un contexte de guerre froide. Soixante ans après, quelles ont été les avancées et les applications concrètes de ce concile ?
En 1962, la situation mondiale est tendue dans un monde bipolaire. L’Église, elle aussi, est victime d’un "étouffement" que Jean XXIII veut voir disparaître. Pour le pape, il est question d’ouvrir le concile aux chrétiens non catholiques. Décédé en 1963, c’est son successeur Paul VI qui reprend le flambeau. Pendant trois ans, 2.450 évêques se réunissent. Concrètement, ils ont été consultés pour savoir ce qu’ils voulaient changer dans l'Église. Près de 9.000 vœux ont été formulés, signe de l’implication des évêques et de leur désir de changement. Tous ne sont pas alignés, les avis divergent en fonction de leur idéologie ou de leur pays d’origine.
Face à la menace d’une troisième guerre mondiale exacerbée par la crise des missiles de Cuba, l'Église est sensible à ce qu’il se passe dans le monde. Parmi les évêques, on compte beaucoup de non-Européens. Vatican II innove dans la mesure où des "évêques autochtones" se mêlent aux évêques missionnaires. Ils sont de véritables témoins de terrain, d'autant que plus d’une centaine d’États sont représentés. "Cette diversité contribue au dialogue essentiel pour réformer l’institution", explique Daniel Moulinet. Pour ce prêtre et professeur d’histoire religieuse, "l’idée est aussi de se mettre à l’écoute du monde, de voir ce qu’il peut apporter à l’Église. Elle peut aussi recevoir". Cette logique d’ouverture au monde se fait "non pour s’y conformer mais pour dialoguer", précise-t-il.
"Depuis la crise anti-moderniste du milieu du XIXe siècle, l’Église s’est coupée de la société", constate Daniel Moulinet. Vatican II veut rompre avec le sentiment partagé d’étouffement dû à "une institution omniprésente". Si le 21e concile œcuménique se termine le 8 décembre 1965 sous le pontificat de Paul VI, les mesures prennent des dizaines d’années à être appliquées.
La volonté d’ouverture au monde s’accompagne de la mise en place du dialogue interreligieux. Jean XXIII, en Turquie, est "sensibilisé à la question des Juifs". En accord avec le dirigeant du pays, il obtient 16.000 visas pour permettre aux juifs d’Europe centrale d’émigrer vers les États-Unis. Cela marque le point de départ d’un texte sur le rapport entre Église et judaïsme. Le projet est ensuite élargi à l'islam, au protestantisme ou au christianisme orthodoxe. Dans un monde en guerre, les grandes religions monothéistes dialoguent pour apaiser les croyants et appeler à la sagesse et à la paix. Une auditrice témoigne qu'avant Vatican II, “l’Église était tellement fermée sur elle-même", avant de se réjouir de cette ouverture aux autres religions.
Le laïc doit devenir acteur de la liturgie pour rompre avec l’Église verticale qui dominait jusque-là. Dès 1965, c’est le début des prières universelles, symbole de l'investissement dans la cérémonie. Pour Gabriel Planchez, vicaire à Boulogne-sur-Mer et docteur en théologie, il s’agissait de "mettre les chrétiens dans l’action de grâce". La vocation du baptisé est d’être "au cœur de la messe, de rayonner et témoigner de la joie de la foi", ajoute-t-il. Vatican II préconise un retour aux sources, à la Bible, et veut remettre le mystère du Christ au centre de la célébration liturgique. À cela s’ajoute la possibilité de faire des messes en langue vernaculaire, les rendant plus accessibles. Benoît XVI qualifiait cette réforme d’un "renouveau dans la continuité" pour une Église vieille de 2000 ans d’histoire et de tradition. Il fallait "passer d’une institution donneuse de leçons à une Église à l’écoute et aidante", explique Daniel Moulinet.
Dei Verbum est l’un des textes importants issus de Vatican II. Il souligne l’importance des écritures, de la parole de Dieu. C’est un "vecteur qui permet de rencontrer Jésus parlant à son peuple". Pour Gabriel Planchez, "Dei Verbum affirme de manière très forte que, sans écoute commune de la parole de Dieu, l’Église ne peut être un tout".
Thérèse du Sartel est professeure de philosophie et cofondatrice du café Le Dorothy, centre d’accueil de chrétiens qui favorise la rencontre. Née 30 ans après Vatican II, elle raconte comment elle applique et reçoit les mesures du concile. Pour elle, il s’agit davantage d’un "événement historique, dont les implications sont parfois compliquées à comprendre. J’ai été interpellée par le changement de posture de la part de l’Église vis-à-vis du monde”. L’important semble être de "revenir au cœur de notre foi et de nous questionner sur ce qui fonde notre adhésion à la chrétienté". Elle souligne notamment "avoir du mal à parler "d’institution". Pour moi, l’Église c’est nous : c’est un corps, il n’y a pas d’institution sans laïcs". Sa lecture du concile et de l’importance d’écouter le monde l’amène justement à écouter le cri des pauvres.
Les conséquences observables pour l’Église sont selon Daniel Moulinet "que chaque baptisé se sente missionné pour porter l’Évangile", que les laïcs réalisent que "l’Église est l’affaire de tous". Et la "maturité se fait petit à petit". Le père Planchez prépare quant à lui une journée d’étude sur la synodalité pour mener "un travail de discernement communautaire et fraternel sur la mise en œuvre de Vatican II". Avant de conclure ainsi : "chaque génération a à se réapproprier le concile".
Pour aller plus loin : Daniel Moulinet a notamment écrit un livre sur la question, "Vatican II au cœur de son époque - Histoire et enjeux théologiques des textes conciliaires" (éd. Parole et Silence, 2021)
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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