Bientôt l’épilogue du bras de fer engagé entre Véolia et Suez ? Les PDG des deux leaders français de la gestion de l’eau et des déchets ferraillent depuis plusieurs semaines. Antoine Frérot, PDG de Veolia, veut racheter les 30 % du capital de son concurrent détenu par Engie, qui vend ses parts dans Suez pour se recentrer sur l'énergie. L’objectif du projet de fusion est de former un grand champion mondial pour la transformation écologique. Mais chez Suez, le PDG Bertrand Camus refuse ce rapprochement, redoutant notamment un impact sur l’emploi. Il a récemment mis à l’abri sa filiale eau dans une fondation aux Pays-Bas.
La montée en puissance d’opérateurs étrangers, notamment chinois, commence à inquiéter, d’où l’idée de cette fusion pour peser plus lourds face à la concurrence. Pour Xavier Regnart analyste financier chez la banque d’investissement Bryan-Garnier and Co, "les avantages sur le plan industriel ce serait de doubler la force de R&D de Veolia et apporter de nouvelles solutions dans le domaine de l’eau et dans le traitement des déchets".
Pour échapper aux règles européennes sur la concurrence et pour ne pas se retrouver en situation de monopole, Veolia serait contraint de céder certaines branches ou filiales, cédant par exemple la branche eau de Suez au fonds d’investissement Méridian. La question de l’emploi a été immédiatement pointée par de nombreux élus locaux et les syndicats de Suez. William Guette, coordinateur syndical CGT chez Suez estime la casse à plusieurs milliers de postes, environ 4500 emplois en France. "Les sous-traitants qui travaillent avec nous, est-ce qu’ils seront repris ? On ne le sait pas", s’interroge-t-il.
De son côté, le PDG de Véolia a affirmé hier qu'il s'engageait au maintien de "tous les emplois", au sein de la future entité fusionnée.
De nombreuses villes ou métropoles ont délégué la gestion de l’eau ou des déchets à ces entreprises. L’Association des maires de France se dit extrêmement vigilante et sera très attentive aux conditions de nouvelles concurrences. Pour Marc Laimé, les collectivités locales ont déjà du mal à négocier avec ces deux poids lourd et "une fusion avec un super opérateur accroîtrait considérablement cette asymétrie d’informations donc on aura un monopole écrasant".
Les deux groupes ne gèrent pas que des flux d’eau et de déchets mais aussi de plus en plus des données. "Aujourd’hui, Suez gèse la quasi totalité des flux numériques dans plusieurs métropoles c’est-à-dire toutes les données qui circulent dans la ville", souligne Marc Laimé.
L’État est le principal actionnaire d’Engie qui veut se séparer de Suez. Et la Caisse des Dépôts, bras financier de l’État, est un actionnaire significatif des deux protagonistes. Donc l’Etat a un rôle d’arbitre à jouer. Au début le premier ministre Jean Castex indiquait trouver le rapprochement pertinent. Puis l'exécutif a alerté sur l'emploi, la souveraineté, le maintien de la concurrence. Veolia a annoncé qu'il remettrait à Engie "au plus tard mercredi" son offre améliorée pour le rachat des parts de Suez, jour ou le conseil d’administration d’Engie se réunira.
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