Cancer du sein : comment y faire face en famille ?

"C’était un lundi soir. Je rentrais du travail et en me grattant par hasard au niveau du décolleté, je me suis rendu compte qu’il y a une petite boule qui n’était pas là le matin." C’est ainsi que le cancer du sein a fait irruption dans la vie de Monica, maman de Paul et Louise, 7 et 3 ans à l'époque. Passé le choc du diagnostic, faut-il en parler à ses enfants ? "C’est un choix qui reste très personnel" estime Marie*, psychologue à la ligne d’ écoute  de la Ligue. "Mais le fait d’en parler, ça va permettre de mettre des mots sur ce qui se passe. A contrario, si on n’en parle pas, l’enfant pourra le ressentir, cristalliser une angoisse et avoir par la suite un comportement inhabituel, à la maison ou à l’école."

Ne pas cacher la vérité. Si on fait ce choix, quand et comment en parler ? Pour Marie, il y a plusieurs éléments à prendre en compte: " L’âge, car on ne s'adresse pas à un enfant comme à un ado, l’annoncer seul ou à deux, dans la journée, en semaine avant les cours, le week-end. L’important, c’est qu’il y ait un sas d’échange après cette annonce pour que l’enfant puisse s’exprimer, s’il a des questions." Monica, elle, a choisi d’en parler une fois que la biopsie ait confirmé  son cancer. « On était tous les quatre, C’était en fin de journée, on était tous au calme, sans radio ni télé. Et la réaction de mon fils Paul a été « Maman, tu vas perdre tes cheveux ? Mais alors, tu ne vas pas attraper de poux !" s'en souvient-elle avec sourire et émotion.

Des thérapies plus ciblées

"C’est quoi un cancer du sein ? Est-ce que c’est contagieux, qui va te soigner, c’est quoi une chimiothérapie ?"  Autant de questions qu’un enfant pourra poser, sans oublier la plus angoissante : "Est-ce que tu vas mourir ?" Monica y a été confronté : "Je leur ai dit qu’il y avait des risques, mais qu’on a mis tout en place avec des médecins pour qu’on trouve la meilleure méthode pour guérir maman." Et ce n’est pas un vœu pieux, grâce à des traitements plus efficaces et plus ciblés. "Aujourd’hui, on analyse mieux la tumeur." explique le Dr Emmanuel Ricart, porte-parole national de la Ligue contre le cancer. "Et avec l’immunothérapie, on dispose de "missiles à tête chercheuses", des boosteurs de notre système de défense qui vont permettre de mieux repérer les cellules malignes pour les éliminer." 

Reste aussi à préparer l’enfant aux conséquences physiques des traitements, comme la fatigue. Ne plus pouvoir porter son enfant, en raison d’un sein trop douloureux, cela pourrait faire croire à un rejet de la maman." Il peut y avoir d’autres façons de montrer son affection de parent." souligne la psychologue : "Passer plus de temps pour le coucher, lui lire une histoire, lui caresser la joue." Une façon de rassurer l’enfant, notamment sur la fameuse perte de cheveux. Monica, elle, a choisi de porter un turban après d’être rasée la tête. Elle raconte :" Quand un soir, Paul m’a vu sans turban dans la salle-de-bains, il m’a dit "Maman, comme tu es belle ! "Du coup, un cap a été franchi,  il a accepté que je n’en porte plus à la maison et je le laisse toujours choisir quand il invite des camarades à la maison." En bref, "toujours être à l’écoute de leur avis." résume-t-elle.

Quelle place pour le conjoint ? 

Un cancer du sein, ça n’impacte pas que les enfants, mais aussi le conjoint, qui peut être désorienté par la maladie. Quoi faire ? "Les attentes peuvent être différentes." constate Marie. "Madame peut attendre que Monsieur soit très à l’écoute et lui, se réfugier dans son monde. Ou lui parler de tout, sauf de la maladie. D’où l’importance de la communication et de rester attentif à l’autre." Ce dont témoigne Monica pour son mari : "Il a été hyperprésent, très positif, on était dans le même bateau. Mais il ne fallait pas non plus que le cancer reste au centre de la famille. Si les enfants en avaient besoin, on en parlait. Mais la vie continuait aussi avec leurs études et l’école."

"Ce qui ne tue pas rend plus fort" écrivait le philosophe allemand Nietzsche. Le cancer du sein peut -il rendre plus "matures" des enfants, les responsabiliser plus tôt ? Marie nuance : "Ca peut être le cas. Mais la maladie alourdit à la maison. Certains enfants pourront alors avoir envie de se faire tout petits, de ne pas sursolliciter leurs parents pour les épargner. D’où encore une fois l’importance d’une bonne communication." rappelle-t-elle. "Et ne pas hésiter à leur proposer si besoin l’aide d’un tiers, comme un psychologue, pour qu’ils puissent déposer leurs craintes sans inquiéter leurs parents."

Et garder malgré tout espoir et sourire. Ainsi Monica a-t-elle organisé une boobs party pour fêter le futur enlèvement de son sein, comme on enterrerait une vie de jeune fille. "Une fête aussi libératrice pour moi que pour mes amis." écrit-elle. "Un très beau souvenir que je garderai à jamais gravé dans mon cœur !"

*Prénom d’emprunt pour garder l’anonymat des intervenants

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Pour aller plus loin :

"Ces enfants qui vivent le cancer d’un parent " de Nicole Landry-Dattée, psychanalyste et cofondatrice en 1994 des premiers groupes de soutien aux enfants de parents malades, à l’hôpital Gustave Roussy. Un livre inspirant , avec de nombreux témoignages, pour répondre aux questions : pourquoi ? Quand ? Comment parler aux enfants de ce qui arrive à leurs parents malades ? Editions Erès - 2017

"Dis, c’est quoi le  cancer du sein" de Monica Mamalet (texte) et Laure Lacour (illustrations) . Un livre album pour répondre simplement aux nombreuses questions que peuvent se poser les enfants : c’est quoi la chimio thérapie ? Qui te soigne ? Pourquoi on t’enlève un sein ? Editions Lacour des Loulous - 2022 .

Pour découvrir les parutions : https://www.lacourdesloulous.com/

La ligue nationale contre le Cancer et son numéro d’écoute pour malades et proches : le 0800 940 939 (appel gratuit) https://www.ligue-cancer.net/

Rose up association : pour informer, accompagner et et défendre le droit des femmes touchées par tout type de cancer. L’association édite le magazine gratuit "Rose Magazine" depuis Octobre 2011.https://www.rose-up.fr/