Le 2 novembre, au lendemain de la Toussaint, les chrétiens prieront pour leurs défunts. L’occasion de s’interroger sur la question de la mort et sa présence dans notre quotidien, après deux ans marqués par une pandémie sans précédent. Comment la crise du Covid-19 a-t-elle amplifié ce phénomène ? Qu’implique cette disparition sur nos comportements et notre façon d’appréhender la vie ? Le philosophe Damien Le Guay, philosophe et président du Comité national d'éthique du funéraire, nous éclaire.
D’après Damien Le Guay, le changement de perception de la mort s’est accéléré considérablement avec la crise du Covid, en raison de l’interdiction de la pratique de certains us et coutumes, pour limiter les contaminations. Ainsi, "la présence au moment des obsèques, la capacité à aller dans les hôpitaux pour accompagner les mourants ou pour leur dire au revoir… tous ces éléments jugés nécessaires et indispensables ont été contraints par une raison hygiéniste", analyse celui qui est aussi enseignant à l'Espace éthique de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. "On voit bien que quelque chose s’est joué à ce moment-là, parce que les Français l’ont mal vécu."
La mort est devenue inacceptable
L’autre conséquence de la crise épidémique, c’est la situation d’angoisse et d’anxiété provoquée par le décompte quotidien des morts. "C’est très contreproductif parce que l’angoisse n’est pas un bon élément pour intégrer la mort dans la vie. On se demande quand est-ce que ça va nous tomber dessus", commente le maître de conférences, qui voit dans ce décompte "un autre effet pervers" : celui d’accorder plus d’attention et d’importance aux morts liés au Covid. "C’est comme si les millions de personnes décédées de cancer ou de suicide ne comptaient pas", analyse-t-il. Or, selon le philosophe, l’attention que l’on porte aux morts doit être la même pour tous.
Cette situation présente un paradoxe d’après Damien Le Guay : "Au moment où on commençait à considérer la mort comme étant moins importante, elle est devenue inacceptable. D’un coup, il a fallu faire en sorte qu’on ne meurt pas ou moins", en imposant des restrictions à l’ensemble de la société.
"La raison qui peut expliquer cela, c’est que le changement de définition de la vie", explique le philosophe. "Avant, la vie s’inscrivait dans un plan religieux, avec l’idée d’une vie après. Aujourd’hui, dans notre société sécularisée [qui a opéré un retour à la vie laïque, NLDR], la seule vie qui compte, c’est la vie biologique." En d’autres termes, comme la société pense qu'elle n'a qu'une seule vie, elle ne supporte plus l’idée de la mort.
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