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Et si nous manquions de manquer ?

Un article rédigé par Virginie Bardou - RCF Hérault, le 13 février 2025 - Modifié le 13 février 2025
Les mots du divanEt si nous manquions de manquer ?

Troubles anxieux, addictions, TCA : ces mal-êtres, surtout chez les ados, semblent liés à une société centrée sur la consommation et la performance. Manquons-nous de manquer ? La psychologue Gaëlle de Decker éclaire cette relation au manque et ses enjeux.

Prendre le temps sans combler le vide. © Conscious designPrendre le temps sans combler le vide. © Conscious design

Depuis des décennies, on observe une montée des troubles anxieux, des addictions et des troubles du comportement alimentaire, notamment chez les adolescents. Ces mal-êtres semblent liés à une société fondée sur la consommation, la performance et l’apparence. Mais au-delà des pathologies, ne sommes-nous pas tous, à certains moments, tentés de combler le moindre vide, d’éviter le manque à tout prix ? Comment éprouver désir et envie quand tout est immédiatement accessible ? Et si, en Occident, nous manquions de manquer ? Gaëlle de Decker, psychologue, nous aide à mieux comprendre cette relation complexe au manque et ses enjeux éducatifs et psychologiques.

Le manque, un moteur oublié ?

Dans une société où l’immédiateté est devenue la norme, la frustration est perçue comme un dysfonctionnement à corriger. Tout doit être accessible, tout de suite. Mais cette quête incessante de satisfaction affaiblit plus qu’elle ne construit. Le désir, qui naît du manque, se trouve court-circuité par la surabondance. Or, c’est bien l’absence, l’attente, et parfois même la frustration qui nourrissent l’envie et donnent du sens à nos aspirations.

À l’adolescence, période charnière de construction identitaire, cette réalité est encore plus frappante. Face aux transformations physiques et psychiques qu’ils traversent, les jeunes sont particulièrement vulnérables à la recherche de gratifications immédiates. Les réseaux sociaux, la consommation effrénée de divertissements et la surstimulation permanente participent à l’érosion de la capacité d’attendre, de rêver et de cultiver un désir profond et durable.

Éduquer au manque, une nécessité ?

Peut-on apprendre à apprivoiser le manque ? Gaëlle de Decker apporte un éclairage essentiel :

Oui, c’est possible, à condition de reconnaître que nous sommes des êtres manquants, comme diraient les psychanalystes. Cela fait partie de la condition humaine et ce n’est pas simple à supporter.

Dès l’enfance, il est essentiel d’apprendre à différer la satisfaction, à accepter que tout ne peut pas être obtenu immédiatement. Cela passe par l’éducation : aider les enfants à tolérer la frustration, à attendre, à comprendre que l’ennui peut être fertile. Mais encore faut-il que les adultes eux-mêmes en aient conscience.

Certains parents, pris dans leur propre difficulté à gérer le manque, peinent à transmettre cette capacité à leurs enfants. Cela demande une disponibilité psychique et une posture éducative cohérente.

Pourquoi avons-nous si peur du manque ?

Si nous évitons autant le manque, c’est qu’il nous confronte à nos propres limites. Il nous rappelle que nous ne maîtrisons pas tout, que la vie est faite d’incertitudes, et que, quoi que nous possédions, il y aura toujours une part de vide en nous.

Certains cumulent les activités, surchargent leur emploi du temps, multiplient les possessions pour ne jamais être confrontés à cette réalité. Cette fuite en avant est une réponse anxieuse face à l’angoisse du vide.

Mais tout le monde ne réagit pas de la même manière. Certains trouvent dans cette part de manque une forme d’équilibre et d’ancrage. D’autres, au contraire, y voient une menace qu’ils cherchent à combler à tout prix.

Ce qui différencie ces profils, c’est souvent un socle intérieur stable, une confiance fondamentale qui permet d’affronter les épreuves sans sombrer dans l’angoisse ou l’hyperactivité. Mais cet équilibre est influencé par de nombreux facteurs, éducatifs et personnels.

Redécouvrir la valeur du vide

Plutôt que de chercher à tout remplir, peut-être devrions-nous réapprendre à accueillir le vide. Laisser de la place au désir, à l’ennui, à l’imaginaire. Cultiver ce qui ne se possède pas mais qui se vit et se partage : la connaissance, la culture, la spiritualité. Car c’est dans l’attente et l’incomplétude que naissent les plus grandes aspirations. Et si, au lieu de fuir le manque, nous apprenions à en faire un allié ?
 

Les mots du divan
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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